Ce que coûte un sénateur de la République au Trésor public.

C’est un euphémisme de dire que la République dont l’économie est pourtant exsangue, est aux petits soins pour les sénateurs. Et quand il faut en parler, les sénateurs, souvent avares de micros, ne se pressent pas au portillon tant la question est sensible au bord de mer. « En parler peut vous exposer à beaucoup de choses, entre autres pressions et avertissements », affirme au Nouvelliste, sous le couvert de l’anonymat, un sénateur, qui croit, lui, qu’il faut rendre compte de l’utilisation de l’argent public.

Le sénateur, dans la foulée de sa prestation de serment, reçoit une bagatelle de 40 000 dollars pour s’acheter une voiture de fonction, confirme ledit parlementaire. Toujours selon notre source, 250 000 gourdes sont octroyées chaque mois à chaque sénateur pour des fêtes patronales. Les 29 sénateurs de la République reçoivent chacun 250 000 gourdes pour une résidence secondaire, 70 000 gourdes comme frais de carburant et 250 000 le mois pour l’entretien des bureaux départementaux.

Le sénateur, qui nous a parlé à cœur ouvert, évoque la « vie sociale même de parlementaire », assailli régulièrement de sollicitations, comme pour justifier de tels privilèges. « Dans sa déclaration d’impôt sur le revenu, on est obligé de payer pour tous ces frais reçus. Si tu paies pour de l’argent reçu, cela veut dire que tu t’en es servi. Pourtant avec les 250 000 gourdes pour fête patronale chaque mois, tu participes à la ‘’vie sociale’’ », croit savoir le parlementaire.

« C’est normal lorsqu’une personne œuvre au plus haut sommet de l’État qu’elle ait des privilèges. Mais on est un pays pauvre. Il ne faut pas que nos privilèges soient à la dimension des chefs des pays riches », plaide le parlementaire, soulignant qu’il y a des privilèges normaux et d’autres – ‘’exagérés’’ [sic] – qui facilitent inévitablement la corruption ». Il faut dire que chaque sénateur dispose de six consultants rémunérés chacun à hauteur de 60 000 gourdes, de deux agents de sécurité à 20 000 gourdes chacun et de deux chauffeurs à 20 000 gourdes chacun.

Les moindres détails dans la vie parlementaire sont pris en charge par le Trésor public pour offrir aux sénateurs un train de vie digne des rock tars. 5 000 gourdes de cartes de recharge téléphonique, en plus des milliers de gourdes de minutes pour un service roaming, détaille le parlementaire, rappelant que le perdiem pour les voyages à l’étranger est « modulé selon que tu te rends en Europe ou en Amérique du Nord ». Mais un autre sénateur souligne que le per diem varie entre 600 et 800 dollars américains. Pour la moindre panne d’un véhicule d’un élu, il n’y a pas de souci. Un garage affilié au Sénat s’en charge.

Les sénateurs reçoivent chacun un million de gourdes pour les fêtes de Pâques, un million pour des activités socioculturelles, un million pour la rentrée des classes et un million pour les fêtes de fin d’année. Soit quatre millions de gourdes l’an, sans taxes, accordées à chaque élu. « J’en distribue toujours à des associations, des églises entre autres », confie un autre sénateur, requérant lui aussi l’anonymat pour se prémunir de la colère de ses pairs. « L’argent n’est pas le problème. Mais c’est plutôt le fait que le bureau n’exige en retour aucun rapport de son utilisation », renchérit notre source.

Pourquoi le Sénat n’en exige point ? « Parce que, je le dis sans ambages, c’est une pratique qui date depuis très longtemps et participe de la corruption qui s’installe dans le système », explique le parlementaire. Comprendre qui pourra.

Le Nouvelliste Haiti.,  Juno Jean Baptiste.

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