Retour en arrière

 

Le Nouvelliste | Publié le : 20 novembre 2013

 
Si le discours anti-classe politique discréditée et défaillante du candidat Michel Joseph Martelly qui devrait marquer un tournant dans l’histoire du renouveau de notre personnel politique a expliqué en partie son succès électoral, son mode erratique de gestion politique, éloignant une fois de plus Haïti de la voie de la stabilité démocratique, commence à donner des ailes à tous ces partis et leaders politiques décriés qu’il avait battus aux urnes.
Mésestimant les prodigieuses capacités de nuisance de ses adversaires, artiste convaincu d’avoir raison contre tous, faisant preuve d’un amateurisme prononcé et d’un angélisme autocratique qui laisse peu d’espace au chef du Gouvernement et au cabinet ministériel pour s’affirmer, le président qui parle beaucoup plus qu’il n’écoute ses conseillers a personnellement contribué à hypothéquer son mandat de cinq ans et à fragiliser l’institution présidentielle. Certains proches du pouvoir, d’ailleurs inquiets et déçus, en conviennent eux-mêmes avec lucidité. Fondé essentiellement sur la critique volontiers acerbe mais judicieuse de nos politiciens traditionnels et de leurs épouvantables échecs, le discours électoraliste de Martelly était et demeure d’actualité, incontestablement.
Par leur sectarisme et leur aveuglement insensé, putschistes et lavalassiens, néo-duvaliéristes et anti-néo-libéraux, régimes provisoires et gouvernements élus, GNBistes et chimè ont creusé leur propre tombe. A travers Jean-Bertrand Aristide, figure emblématique de ce passé tumultueux – mais pas si lointain – ce fut la faillite sanglante de ce que les uns et les autres ont appelé fièrement le mouvement démocratique, scandé par des assassinats et des dérives mafieuses.
Mais malheureusement, dans l’ambiance délétère qui règne maintenant (encore) dans le pays, chacun a compris, on vient de le noter, que si l’équipe Tèt Kale continue inexorablement à s’affaiblir et à s’isoler, ce sont les forces en majorité de tendance lavalassienne, celles d’hier, qui ont occasionné tant de crises obscènes et de gâchis dévastateurs, de morts et de malheurs au pays, qui risquent de revenir au pouvoir. En est-on sûr?
Etrangement, dans le reste d’Haiti,aujourd’hui, même la minorité “touzuit” pro-Martelly souscrit à ce scénario-catastrophe, à ce “remake”, parce qu’elle ne croit plus avoir le pouvoir pour vingt-cinq ou vingt ans. Si l’opposition s’organise sur du long terme et se regroupe en partis et en plateformes unitaires, en adoptant des stratégies électorales ou déstabilisatrices combatives, qui pourrait la freiner? Qui pis est, face à un pouvoir sans militants et sans base sociale, il serait impossible d’empêcher à ces partis de déchouqueurs, une fois requinqués, de reconquérir la rue. Autre facteur concomittant: le peu d’alternatives politiques qui se présente à nous, quoi que dise Sauveur Pierre Etienne avec sa troisième voie.
Il y aurait mille questions à nous poser sur les raisons qui, pour reprendre cette image lamentable chère à Leslie Manigat, nous poussent toujours à revenir à nos vomissements, à revenir en arrière. Mais la question la plus troublante est la suivante: est-ce la peur collective du changement véritable, du renouveau salvateur? L’oubli ne guérit rien, c’est un mensonge – un mal – de prétendre le contraire.
Pierre-Raymond Dumas

http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/124155/Retour-en-arriere.html

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