Un discours qui dérange

 

Le Nouvelliste | Publié le : 19 novembre 2013

Les manifestations de rue enregistrées dans plusieurs villes du pays, en signe de mécontentement à la gestion de l’équipe au pouvoir, à l’occasion de la célébration du 210e anniversaire de la bataille décisive de l’armée indigène sur les troupes françaises, devraient pousser les autorités établies dans les réflexions les plus profondes sur l’ampleur de la contestation. Après le Cap-Haïtien et Port-au-Prince, l’opposition gagne du terrain dans la ville des Cayes qui a été perçue depuis les élections de 2010 comme la chasse gardée de Michel Martelly. Comment le pouvoir en place va-t-il contrer l’action de ses opposants, alors que le discours du président de la République à Vertières n’avait ni le sens d’un appel au dialogue ni la portée d’un homme d’Etat moderne qui a rompu avec la haine et la mégalomanie.
En traitant ses opposants de faux démocrates et en vantant les actions de son administration avec une pointe d’ironie, Michel Martelly n’a-t-il pas fermé la porte aux véritables négociations pouvant éviter la répétition des événements survenus en 2004 ? La grandeur des héros de Vertières et la dimension de cet événement devraient servir de leitmotiv au chef de l’Etat pour montrer comment l’union entre les fils de Dessalines et de Pétion était une nécessité historique pour conduire ce pays sur la voie du progrès, après 209 ans de chômage, de misère et de mauvaise gouvernance de l’Etat. Comme à l’accoutumée, les dirigeants haïtiens ont toujours privilégié la haine de l’opposition en lieu et place de débat pour résoudre leurs différends.
Si des manifestations doivent se dérouler le 29 novembre prochain à Port-au-Prince et dans d’autres villes du pays, l’épithète de pays instable fera à nouveau les manchettes de la presse internationale contre Haïti. Ce climat d’instabilité va engendrer sans équivoque une nouvelle forme d’insécurité qui affectera, sans nul doute, tous les projets qui sont en cours d’exécution depuis quelque temps. L’inauguration récente de Best Western Hôtel et les chantiers du géant international en matière d’hôtellerie, Marriott, ne seront pas des données d’appréciation pour convaincre le capital international à continuer à investir en Haïti, si les vieux démons de la politique maintiennent leur hache de guerre dans le ciel de notre pauvre pays. Le refus du président de la République, depuis plusieurs mois, de créer les conditions nécessaires à l’organisation des élections pour les collectivités territoriales et le renouvellement du tiers du Sénat est à la base de la contestation des partis politiques contre l’équipe au pouvoir. En pensant pouvoir capitaliser sur le temps afin de mieux préparer le terrain pour gagner les élections, les idéologues de l’équipe en place ont oublié que les crises électorales de ces quinze dernières années ont toujours succédé aux conflits préélectoraux qui empoisonnent souvent le climat politique. Michel Martelly va-t-il comprendre que sa volonté de contrôler l’institution électorale et les conflits incessants avec le Sénat ont davantage affecté sa gouvernance plutôt que d’assurer le succès de son administration ?
Lemoine Bonneau lbonneau@lenouvelliste.com
 Lemoine Bonneau
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