Le prix de nos devoirs oubliés
Le Nouvelliste | Publié le : 26 novembre 2013
L’humanité a remporté une nouvelle petite victoire, ce mardi. Les pays de la Caricom ont, en présence du président Michel Martelly et du ministre des Affaires étrangères, Pierre Richard Casimir, dénoncé la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine de dénationaliser des Dominicains parce qu’ils sont des descendants d’Haïtiens.
L’humanité a remporté une manche dans la longue marche contre le processus de déshumanisation légale de centaines de milliers de Dominicains par des Dominicains.
Haïti doit se réjouir tranquillement avec elle. Dans ce qui pourrait apparaître comme une nouvelle saga haïtiano-dominicaine ou dominicano-haïtienne se joue une problématique de taille. La Caricom lui a donné son statut régional. Espérons que nos voisins comprendront la nécessité de faire tranquillement machine arrière.
Tous les hommes doivent se sentir concernés par ce fait du prince d’un État qui, en deux coups de plume, veut faire disparaître des décennies de mélanges et de relations entre des humains qui cohabitent en paix.
Prendre fait et cause pour les Dominicains que la république voisine veut soustraire de ses registres d’état civil est une cause noble.
Cela dit, quelle est l’économie de dénationaliser des citoyens d’un pays ?
Si on refuse de croire que ce sont simplement des instincts racistes qui, lentement mais sûrement, poussent des secteurs entiers de la société dominicaine à procéder de manière systématique à une épuration, n’ayons pas peur du mot, ethnique, quelle explication logique trouver à ce mouvement enclenché depuis des années ?
Nos chers voisins mesurent-ils toute la portée de ce qu’ils veulent mettre en œuvre ? Dans le même temps, pour d’autres raisons, mais dans le même temps, des Dominicains repoussent vers Haïti des Haïtiens installés chez eux.
Périodiquement, cela arrive. Des fois, le moindre fait divers est prétexte à des chasses à l’homme, provoque des montées de tension à la frontière qui sépare ou unit, selon les saisons de la peur, les deux pays.
Pour le moment, au su des faits passés et de l’histoire des deux pays, statistiquement, les rapatriements et les retours volontaires ne sont pas hors norme. Là encore, si chaque Haïtien doit porter assistance à nos frères de retour, chaque Haïtien doit évaluer tranquillement la situation.
Ne nous laissons pas prendre aux effets de loupe des médias sociaux. Ni abuser par les épices politiques ou les effluves de la haine. Les relations entre Haïti et la République dominicaine sont anciennes, profondes, complexes. En nous prêtant assistance après le 12 janvier 2010 et les ravages du séisme, en nous envahissant avec leurs compagnies de toutes sortes, en déversant les surplus de leurs produits dans nos marchés, en finançant nos politiciens, en chassant nos frères installés illégalement chez eux, les Dominicains nous font la leçon. Nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes de ne pas faire nos devoirs. Nous avons un pays à construire.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
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