Tous les regards seront dirigés vers le Sénat mardi à l’occasion de la séance d’interpellation de trois ministres du gouvernement Lamothe. Trois titulaires de départements ministériels à vocation politique éminemment stratégique, à savoir David Basile, Jean Renel Sanon et Pierre-Richard Casimir, respectivement ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, ministre de la Justice et de la Sécurité publique et ministre des Affaires étrangères, doivent répondre de leur gestion devant le Sénat.
Ordinairement, les motifs d’interpellation proviennent toujours de parlementaires de l’opposition qui ne sont pas satisfaits de la performance d’un ou de plusieurs ministres. En ce qui concerne ce dossier, des sénateurs hostiles à l’administration Martelly-Lamothe aussi bien que des proches du pouvoir ont paraphé la demande d’interpellation.
Sur les 16 signataires de la demande, figurent 7 sénateurs proches du camp Martelly. S’agit-il d’un coup de théâtre ou d’un consensus trouvé entre les pères conscrits pour préserver l’harmonie du grand Corps ? La violation des droits humains, l’architecture institutionnelle de l’Etat, l’harmonisation des relations entre les différents responsables de l’Etat dans la conduite des affaires gouvernementales résument les préoccupations des parlementaires pour justifier l’interpellation.
S’agissant des trois ministres qui seront interpellés, rien n’est encore joué. Les informations qui circulent dans les couloirs de la Chambre haute font croire qu’il y aurait un consensus entre plusieurs sénateurs pour le renvoi du ministre de la Justice, Me Jean Renel Sanon. Les rapports tumultueux entre celui-ci et les organisations de défense des droits humains, le malaise profond qui caractérise le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et les critiques à répétition sur son intrusion dans différentes décisions judiciaires seraient les raisons qui ont facilité ce consensus en vue du limogeage de Me Sanon.
Ancien membre des Forces Armées d’Haïti, très peu de griefs sont retenus contre le ministre de l’Intérieur, qui assure la gestion des fonds des collectivités territoriales. A l’occasion des fêtes patronales, David Basile n’est pas celui qui s’attire la foudre des parlementaires. Il est reproché au chancelier Pierre-Richard Casimir d’avoir pris des décisions hâtives relatives aux proches des parlementaires dans les différents consulats et ambassades d’Haïti à l’étranger quand la tension monte entre Martelly et le Sénat. Des parents et amis de sénateurs ont été mis à pied à chaque fois que le président se mettait en colère contre une décision du Sénat qu’il ne digère pas. L’interpellation de Pierre-Richard Casimir paraît beaucoup plus comme un show médiatique que d’une démarche pour sa destitution. Au moment où Pierre-Richard Casimir vient de faire briller la diplomatie haïtienne dans le dossier de l’arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine, une interpellation contre ce ministre est-elle appropriée ?
L’exécutif ne veut-il pas aussi se débarrasser de quelques têtes au sein du gouvernement Lamothe ? N’est-ce pas aussi le temps de nouvelles négociations pour un nouveau départ ?
Lemoine Bonneau., Rédacteur au Nouvelliste.,