L’ex-président Dominicain Hipolito Mejia a qualifié de honteux l’arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine qui, selon lui, met son pays dans une situation difficile à travers le monde. L’ex-président a fait ces déclarations alors que la Commission interaméricaine des droits de l’homme a débuté lundi une enquête sur les conséquences de l’arrêt 168/13 sur les Dominicains devenus apatrides suite à cette décision.
S’il était britannique, l’ex-président dominicain Hipolito Mejia aurait dit : « Shame on you ». La honte, pour lui, couvre le tribunal constitutionnel après la décision 168/13 du 23 septembre 2013 rendant apatrides des centaines de milliers de Dominicains d’ascendance haïtienne. Cité par le quotidien Hoy, cet homme politique d’influence, battu sur le fil par Danilo Medino à la dernière présidentielle, a indiqué que cette décision le « désole ». Son pays, a affirmé Hipolito Mejia, a été mis dans une situation « très difficile » à travers le monde par cette décision. La présence de la délégation de la CIDH en République dominicaine souligne la « gravité de la situation », a-t-il dit. Entre-temps, cette délégation, arrivée samedi à Santo Domingo, enquête sur les conséquences de l’arrêt controversé de la Cour constitutionnelle dominicaine sur les immigrants concernés. Le chancelier haïtien dit s’attendre à un rapport condamnant l’arrêt 168/13 qui viole les droits de plusieurs milliers de citoyens dominicains.
Six groupes d’enquêteurs ont reçu lundi les témoignages des personnes affectées par la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine d’enlever la nationalité dominicaine à des milliers de Dominicains d’origine étrangère. Cette opération qui se tient au local réservé aux professeurs de l’Université autonome de Santo Domingo se poursuivra jusqu’au jeudi 5 décembre. La commission présentera le lendemain un rapport préliminaire basé sur les témoignages et ses observations en terre voisine.
« Ici, on reçoit les témoignages que les gens veulent nous soumettre», a déclaré la directrice de la communication de la commission, María Isabel Pineda, à la presse dominicaine. María Isabel Pineda poursuit en indiquant que la commission a décidé de réaliser cette visite autour de quatre droits fondamentaux. « La commission des droits de l’homme est venue analyser en République dominicaine la situation sur le droit à une nationalité, le droit à l’identité, le droit à l’égalité et le droit à la non -discrimination », a-t-elle soutenu.
Parallèlement à ce travail, des membres de la commission se sont entretenus lundi matin avec une délégation du gouvernement dominicain au siège de la présidence à Santo Domingo. A cette rencontre où les deux parties se sont entendues pour ne pas rendre publics les points abordés, les représentants de la CIDH se sont entretenus avec le ministre de la présidence, Gustavo Montalvo; le vice-ministre des Affaires étrangères, José Manuel Trujol et Henri Luis Molina, vice-ministre de la présidence.
En Haïti, le gouvernement dit s’attendre à une condamnation formelle de l’arrêt 168/13 et est disposé à collaborer avec la commission. « A la fin des auditions et l’enquête de la CIDH, on espère que les membres de la commission feront sortir un communiqué qui présente la situation. On attend qu’ils fassent un rapport qui démontre qu’il s’agit d’une violation des droits des Dominicains d’origine étrangère », a déclaré le ministre haïtien des Affaires étrangères, Pierre Richard Casimir, qui réagissait sur le début de la mission de la CIDH. Le chancelier ajoute que l’ordre formel a été passé aux diplomates haïtiens de l’autre côté de la frontière afin de se mettre à la disposition de la commission au cas où ils seraient sollicités.
Aucune approche n’a été faite en ce sens jusqu’à lundi après-midi, selon ce qu’a confié au journal l’ambassadeur d’Haïti en république voisine, Fritz Cinéas. « La CIDH a bel et bien débuté ses travaux en terre dominicaine ce matin et elle devrait s’entretenir non seulement avec les immigrants lésés, mais aussi avec plusieurs personnalités concernées par le dossier », affirme l’ambassadeur. Plus loin, Fritz Cinéas ajoute que l’ambassade d’Haïti n’a pas encore été sollicitée par les enquêteurs, mais nous sommes à leur disposition pour toute demande de renseignement ». L’ambassadeur a salué au passage une sérénité retrouvée dans les discours des autorités dominicaines sur le dossier.
Questionné sur l’éventualité que la CIDH produise un rapport favorable à la position dominicaine, le chancelier Casimir a déclaré que « c’est une hypothèse à laquelle je ne pense même pas ». Pierre Richard Casimir salue le fait que l’ambassadeur dominicain en Haïti, rappelé en fin de semaine pour consultation, est de retour à son poste à Port-au-Prince. Le ministre réaffirme la volonté de la partie haïtienne de rester ouverte au dialogue afin de trouver une solution à la crise. Durant sa mission en terre dominicaine, la commission s’entretiendra avec des représentants des différents pouvoirs de l’Etat dominicain et de la société civile. La commission présentera un rapport préliminaire sur ses constats en République dominicaine vendredi pour clôturer sa visite. Il faut noter que des Dominicains ont manifesté hier à Santiago contre la présence de la délégation de la CIDH en terre dominicaine. Des étudiants de l’Université autonome de Santo Domingo ont fait de même lundi alors que les enquêteurs de la CIDH recevaient les témoignages des immigrants concernés dans les locaux dudit établissement.
La mission de la CIDH coïncide avec la mise en application du Plan national de régularisation des étrangers vivant de manière illégale en terre dominicaine. Les autorités dominicaines ne devraient pas expulser du pays les étrangers qui ont débuté le processus de régularisation, selon l’arrêt 327/13 publié le 30 novembre écoulé. Les autorités dominicaines accordent 18 mois aux illégaux pour se conformer au plan.
Plusieurs acteurs de la société civile et du monde politique appellent les deux pays à poursuivre le dialogue afin de trouver un dénouement à la crise. Le président de la conférence épiscopale d’Haïti, Monseigneur Chibly Langlois, appelle les autorités des deux pays à reprendre le dialogue afin de trouver une entente. S’il reconnait que la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine porte atteinte aux droits des immigrants, Monseigneur Langlois, qui intervenait lundi à une conférence de presse de la conférence épiscopale d’Haïti, affirme que les deux pays qui partagent l’île ne peuvent rester dans la discorde. Le président du Sénat haïtien, Dieuseul Simon Desras, a, de son côté, invité les présidents des deux pays à se rencontrer afin de trouver une sortie de crise.
Louis Joseph Olivier et Roberson Alphonse., http://www.radiotelevisioncaraibes.com/nouvelles/haiti/hipolito_mejia_condamne_la_cidh_enqu_te.html