Plus de peur que de mal. La décision du Tribunal constitutionnel dominicain en date du 23 septembre 2013, rendant apatrides des milliers d’Haïtiens d’origine nés sur le sol dominicain à partir de 1929, n’affecte en rien – sinon pas encore – les différents contrats passés entre la République d’Haïti et certaines firmes de construction dominicaines.
Le palais législatif, le Ministère du Commerce et de l’Industrie (MCI), le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales (MICT), le Ministère des Affaires étrangères (MAE) sont parmi les chantiers qu’exécutent certaines firmes dominicaines. Les bâtiments en question ont été endommagés ou complètement détruits lors du séisme du 12 janvier 2010. Un document du Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) daté du 15 Septembre 2012 – « Etat des décaissements pour les projets financés par les fonds PetroCaribe » – évoque un montant total de $ 35 millions US pour la reconstruction des trois ministères susmentionnés.
Certains de ces chantiers, à l’instar du MICT et du MCI, sont très avancés. En effet, l’aire de stationnement du ministère de l’Intérieur – d’une dimension pouvant accueillir 116 véhicules – est quasiment terminée et la construction de deux des sept étages prévus est largement entamée. « Aujourd’hui, nous n’avons pas pu boucler la journée de travail, car nous n’avons pas reçu les matériaux que nous attendions à temps », nous a confié un ferrailleur sur le point de laisser le chantier de l’avenue Paul IV – ancien local de la Direction générale des impôts (DGI) – et qui n’a pas voulu révéler son identité.
Au chantier du ministère du Commerce et de l’industrie situé au Champ de Mars à la rue Légitime, le constat est aussi le même où l’édification des trois étages sur les neuf prévus semble rivaliser en hauteur avec l’imposante grue métallique entreposée dans cet espace. Ces deux ministères disposeront au moment de leur inauguration de 6000 m2 d’espace de bureaux. Contrairement aux deux ministères précités, les travaux en cours au ministère des Affaires étrangères sont encore à leur début. Lors de notre visite, les ouvriers du chantier du bicentenaire s’activaient dans la construction des fondements appelés à supporter les locaux de la chancellerie haïtienne. Une situation qui ne semble pas pour autant préoccuper, pour l’instant, Michel Présumé, directeur de division des bâtiments publics depuis septembre 2011 au sein de l’Unité de construction de logements et de bâtiments publics (UCLBP).
« L’Etat haïtien a signé un contrat avec des firmes de construction pour délivrer des bâtiments, ce qu’il ne faut pas, à mon sens, placer dans un même panier avec le pays d’origine de la firme. Ces contrats résultent d’une relation purement commerciale », martèle-t-il pour calmer le jeu. Depuis fin septembre, les relations diplomatiques entre Haïti et la république voisine sont en berne. C’est sur fond de tension que les différents travaux des chantiers confiés à des firmes dominicaines se poursuivent.
Si les Dominicains sont en charge de leur reconstruction, il n’en demeure pas moins que la main-d’œuvre est essentiellement nationale. De ce fait, elle a son mot à dire. Vilma Toussaint, contremaitre au chantier du futur bâtiment devant abriter les locaux du MCI, dit « suivre cette situation avec beaucoup d’intérêt. Comme la plupart de mes collègues ici présents, affirme-t-il, nous sommes sur le qui-vive. Chaque matin, en venant sur le chantier, nous nous attendons au pire ».
Pour M. Présumé, il est évident que les Dominicains ont des obligations vis-à-vis de l’Etat haïtien et qu’ils sont tenus de les respecter. Tout en n’écartant pas totalement l’hypothèse d’une fermeture des chantiers, il considère quelques impondérables : « Ils peuvent ne pas se sentir en sécurité pendant deux ou trois jours, mais, pour l’instant, tous les chantiers fonctionnent normalement. » Entre-temps, les ouvriers travaillant sur les différents chantiers gardent un œil ouvert.
Ces quelques bâtiments en chantier, mentionnés ci-dessus, font partie d’une liste de 14 édifices publics endommagés lors du séisme du 12 janvier 2010 et que l’UCLBP entreprend de reconstruire.
L’enveloppe allouée à l’exécution de ces travaux s’élève à environ $ 300 millions US. Si, lors de la présentation de ces bâtiments, le 12 septembre 2013, l’UCLBP n’a pas précisé de date pour terminer ces travaux, Michel Présumé estime toutefois qu’ils vont bon train : « J’ai été au Parlement ce matin, les travaux avancent. Au ministère des Affaires étrangères, il ne leur manque que 5 pieux pour qu’ils terminent avec la fondation. » Toutefois, les ouvriers de ces différents chantiers, moins enthousiastes que le fonctionnaire de l’ULCBP, retiennent leur souffle et vivent chaque journée de travail comme une victoire, car la situation de tension qui prévaut entre les autorités haïtiennes et dominicaines peut à tout moment dégénérer.
Le Nouvelliste., http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/125249/Relations-haitianno-dominicaines-le-secteur-de-la-reconstruction-jusque-la-epargne.html