Entreprendre, investir, construire
Le Nouvelliste | Publié le : 24 janvier 2014
Laurent Lamothe est en Suisse. Le premier ministre participe au 44e Forum économique mondial de Davos qui s’y tient jusqu’au 25 janvier. Davos, c’est le rendez-vous de janvier des bâtisseurs de l’utopie capitaliste. 2 500 participants, dont une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement, y parlent affaires, nouent des contacts et tissent les fils de l’avenir de la libre entreprise au niveau mondial.
A Davos, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Michel Martelly, inventeur de la diplomatie d’affaires en Haïti, y a presque ses habitudes. Depuis trois ans, il s’y rend pour vendre l’image d’un pays renaissant, ouvert et riche en opportunités.
Lamothe, à Davos, doit quand même se sentir un peu seul. Le gouvernement n’a pas de tête d’affiche, pas de locomotive autre que lui et le président, pour vendre partout et en tout lieu le discours de l’Open for business. Il y a bien la ministre du Tourisme, le ministre des Finances ou le directeur du Centre de facilitation des investissements, mais cela fait peu pour convaincre tout un pays réticent à la réussite par l’entreprise.
Dans l’entourage du premier ministre, il n’y a pas non plus de porte-flambeaux issus du secteur privé haïtien. A chaque fois, ce sont des étrangers qui vantent le charme des affaires en Haïti dans les rendez-vous internationaux. L’administration Martelly et le gouvernement Lamothe n’ont toujours pas organisé la rencontre interhaïtienne sur l’investissement. Chaque homme d’affaires ici se débat comme il peut, le tapis rouge n’est déroulé que pour les étrangers.
Pour parler d’entreprise, il y a eu en huit jours deux conférences au Karibe autour de l’investissement et de la création d’emplois. Des acteurs de taille moyenne, d’ici et de la diaspora, ont échangé expériences et rêves.
La quatrième conférence organisée par Partners Worldwide a permis à 30 investisseurs nord-américains et 150 entreprises haïtiennes d’explorer les opportunités d’affaires dans le cadre de la conférence « Restaurer Haïti » autour du thème : « Explorer les opportunités d’affaires en Haïti ».
Vendredi dernier, toujours au Karibe, en vue d’inciter la diaspora haïtienne à investir davantage dans le pays, la cinquième édition de la foire annuelle tenue à l’initiative de Haïti Renewal Alliance (HRA) s’est déroulée sur deux jours. 64 entreprises réparties en six secteurs d’activités différents étaient de la partie. De ces entreprises, 22 proviennent de la diaspora. Elles sont toutes des activités très peu exploitées dans le pays. L’agro-business, la technologie, l’énergie, la construction, les finances et le tourisme.
Dans tous les pays, les moteurs de la croissance durable, des gagne-pain sûrs, se retrouvent dans les petites et moyennes entreprises. On n’encouragera jamais assez l’initiative la plus modeste. Un emploi de gagné, c’est une famille dont la vie change.
Dernier rendez-vous d’une semaine qui s’achève, le Salon des Entrepreneurs. A l’université Quiskeya, des centaines de jeunes sont attendus pour la deuxième année consécutive. Là encore, l’échange d’expériences sera au cœur d’un incubateur géant. Les organisateurs rêvent d’inséminer des cerveaux pour transformer des êtres vivants en entrepreneurs, en preneurs de risques, en créateurs de richesse.
Faut-il souligner que l’université d’Etat ne s’est jamais penchée sur la question de la création d’emplois ni sur les avantages du secteur privé ? Non. Faut-il s’inquiéter que l’incitation à l’entrepreneuriat n’ait qu’un seul porte-drapeau dans la presse haïtienne : Kesner Pharel ? Non. Faut-il se dire que personne ne présente les atouts et perspectives dans la fonction publique et la gestion communale, les deux bassins d’emplois les plus potentiellement importants du pays ? Non.
Comme pour Davos, comme pour les rencontres non encore réalisées, comme pour les terrains vierges, ici, tout est à faire et nous pouvons faire mieux dans tous les domaines déjà en chantier.
Entreprendre, investir, construire ont un avenir radieux devant eux tant nous n’avons rien fait pour les ensemencer d’idées neuves et ambitieuses.
L’administration Martelly et le gouvernement Lamothe ont mille défauts, mais ne dites pas qu’ils ne cherchent pas à nous dessiller les yeux sur les potentiels dormants de l’économie haïtienne.
Allez les frileux, les endormis, les paresseux, au travail !
Frantz Duval duval@lenouvelliste.com Twitter:@Frantzduval
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