La Constitution du 29 mars 1987 définit clairement la responsabilité et le rôle du pouvoir législatif dans le système démocratique haïtien. Ce Parlement dispose du pouvoir de discuter et de voter des lois. Il a aussi pour mission de voter le budget de l’État et de contrôler le pouvoir exécutif, autrement dit, surveiller la bonne marche de toutes les institutions de l’État. Car le système politique haïtien est un régime semi-parlementaire. Ledit régime fait injonction à ce que le pouvoir exécutif soit redevable par-devant la grande assemblée parlementaire en vue de légitimer le choix du gouvernement selon l’article 158 de cette Constitution.
Alors, cette démarche imposable du système parlementaire prend sa fonction dans l’application de la démocratie représentative, appelée aussi «Démocratie délégative», qui est l’une des formes de démocratie dans laquelle les citoyens expriment leur volonté par l’intermédiaire de représentants élus à qui ils délèguent leurs pouvoirs. C’est pourquoi ces élus, qui représentent la volonté générale du peuple, votent la loi et contrôlent éventuellement le gouvernement. Ce qui justifie les actions des constituants de 1987 qui intentionnellement avaient administré à cette institution parlementaire un pouvoir excessif, afin de faciliter non seulement son travail de contrôle mais aussi travailler aux besoins fondamentaux de la population haïtienne, en votant des lois pour sauvegarder les acquis démocratiques et marquer une rupture avec le passé. Néanmoins, ce deuxième pouvoir de l’État ne fait que piétiner les valeurs républicaines et devient aujourd’hui un véritable générateur de corruption.
Par ailleurs, on se rappelle que le pays a été vassalisé et vilipendé par un régime présidentiel qui constituait à travers le passé un outil politique autoritaire à l’aide duquel le président pouvait exercer son pouvoir arbitraire, au profit de son intérêt mesquin et celui d’un petit groupe. Tout cela a été constaté par toutes les forces vives du pays, ce qui explique que ce pouvoir exorbitant conféré au palais législatif aurait pu être un atout majeur pour défendre les droits inaliénables de tous les Haïtiens et les valeurs républicaines. En dépit de tout, on peut constater que le Parlement haïtien, dans ses fonctions législatives et de contrôle, n’a pas pu répondre aux obligations qui lui sont faites dans la Constitution de 1987.
En d’autres termes, il n’a pas su harmoniser le système législatif avec l’ordre démocratique préconisé par cette Constitution, à l’idée d’accéder à un développement durable. Aujourd’hui, le projecteur de tous les secteurs est braqué sur le palais législatif, faisant un constat de faillite et d’incompétence des parlementaires de ne pas pouvoir doter le pays d’un État moderne. Ces derniers, qui sont appelés à légiférer afin de mettre un terme à l’obscurantisme et l’extrême pauvreté que connaissent les Haïtiens depuis ces vingt dernières années, s’arrangeraient aux côtés des néocolonialistes pour enfoncer Haïti dans la misère.
Tout d’abord, les parlementaires ont la jouissance de certains privilèges selon l’article 129 de la Constitution. Ce qu’on pourrait appeler indemnités parlementaires. Cet acquis a pour objectif d’assurer et protéger l’éthique du parlementaire en le mettant hors de toute tentative de corruption. Par exemple, ils reçoivent une indemnité de fonction tous les mois, des frais mensuels pour les travaux en commission, des frais annuels pour le paiement de la deuxième résidence, des frais pour l’acquisition de véhicule tout terrain, des frais pour le recrutement de leurs chauffeurs et des agents de sécurité rapprochés. Une indemnité mensuelle pour l’achat de carburant et de cartes de recharge, une indemnité mensuelle pour le paiement des consultants, en cas de voyage parlementaire des frais de six cents dollars américains chaque jour sont octroyés etc. Ces mégalomanes ne se contentent pas de ces privilèges, pourvu que leur objectif soit d’appauvrir le pays pour agrandir leur gain.
Ce qui est plus pénible, lorsqu’il s’agit de ratification d’un nouveau gouvernement, les députés et les sénateurs font des manipulations politiques par des manœuvres frauduleuses en vue de créer des opinions névrotiques par des charabias politiques, afin d’exiger de la présidence la négociation de postes tels que, directions générales, ministères, délégations et recevant de très souvent des pots-de-vins, pour la ratification du Premier ministre désigné. Pour se justifier de cette démarche chicanière, ils parlent de « partage de responsabilités,» un nouveau langage politique qui renforce l’esprit cupide de nos parlementaires. Comment des parlementaires pourraient avoir la latitude de contrôler efficacement les actions du gouvernement lorsqu’eux-mêmes ont leurs propres ministres et directeurs généraux ? Leur voracité est telle qu’à chaque fête champêtre et de Pâques, ils exigent du gouvernement de l’argent, en cas de refus le Premier ministre est menacé d’interpellation. En fait, pendant ces quinze dernières années, on a pointé l’institution parlementaire du doigt, disant qu’elle serait transformée en une véritable caverne où les narcotrafiquants se réfugieraient sous la protection de soi-disant immunité parlementaire, bref.
Cette situation de corruption est liée à l’augmentation du prix des carburants qui allait soulever le 8 juillet 2018 la colère de ce peuple déshumanisé, désespéré et oublié, qui voulait faire entendre sa voix par des actions de pillage et d’incendies, que certains qualifient de barbarie. Toutefois, devant cet état de fait, les parlementaires font l’objet des critiques le plus acerbe de différents secteurs du pays. Puisqu’on avait même tenté d’incendier les locaux qui abritent l’institution parlementaire. Pour être au-dessus de la mêlée, les parlementaires veulent se montrer protestants en choisissant de négocier certains de leurs privilèges en vue de redorer leur blason par rapport à ceux qui les critiquent et réclament justice depuis plus de deux cents ans.
Quoi qu’il en soit, au bout d’un moment, nous devons réfléchir sur notre vie de peuple et agir en responsables, car la nation nous demandera toujours des comptes. Ces élus doivent profiter de cette situation scabreuse pour définir scrupuleusement avec tous les secteurs sans exclusion, un vrai contrat social qui permettrait à la population d’avoir accès aux éléments de base en matière de justice sociale afin de cesser de vivre à l’état de nature. Ce contrat social pourrait faciliter le respect du droit de chaque personne dans un État libre et souverain. Dans ce sens l’État définira des principes rationnels qui puissent justifier le droit de tout citoyen d’avoir la possibilité de vivre aisément dans son pays et travailler à son élévation dans un État dynamique et moderne où la nourriture, l’eau potable, l’électricité, l’éducation et les logements sociaux ne seront plus un luxe mais des besoins naturels et fondamentaux d’un peuple.
Finalement, le Parlement haïtien doit se réveiller en vue de remédier à cette situation de corruption qui lui jette des imprécations. Puisqu’il y a toujours un faible reste, au niveau de l’institution parlementaire qui lutte pour le respect des normes démocratiques et le développement infrastructurel d’Haïti. Ces honnêtes hommes d’État qui nous restent au Bicentenaire doivent travailler d’arrache-pied pour maintenir leur métier d’homme en restant toujours fidèles au service la nation haïtienne.
Kettny Saby [email protected] Auteur, (Extrait du Jounal Haitien Le Nouvelliste).
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