Après deux messages postés sur le compte Twitter de l’ambassade américaine en Haïti, c’est depuis le Département d’État qu’un officiel américain qui parle créole et qui connaît bien Haïti a donné la position de son pays sur la crise haïtienne : “Nous voulons que les acteurs politiques dans le plus bref délai forment un gouvernement dans le dialogue. Avant la formation d’un gouvernement fonctionnel, nous n’aurons pas de coopération”, a dit l’officiel américain.
Publié le 2019-10-30 | Le Nouvelliste
“Nou dwe konnen tout Ayisyen bouke. C’est pourquoi nous voulons que tous les acteurs politiques s’asseyent dans le plus bref délai pour dialoguer afin de former un gouvernement », a déclaré mardi sur la Voix de l’Amérique le sous-secrétaire d’État adjoint au Département d’Etat américain pour l’hémisphère occidental, Jon Piechowski. Le gouvernement américain condamne les actes de violence enregistrés ces derniers jours dans les mouvements de protestation, a-t-il dit, avant d’ajouter : « Nous appuyons le droit du peuple haïtien de manifester dans la paix. »
C’est la troisième intervention publique de l’administration américaine sur la crise en Haïti. Le message du sous-secrétaire d’État adjoint au Département d’Etat américain pour l’hémisphère occidental est clair pour le moment : la solution à la crise doit passer par un dialogue entre tous les acteurs duquel sortira un gouvernement fonctionnel. Selon Jon Piechowski, « le président Moïse est le président d’Haïti, c’est une question claire. En même temps, il y a les sénateurs et les députés qui ont la responsabilité de faire face aux défis du peuple haïtien », a-t-il avancé.
Interrogé par le journaliste Ronald César de la Voix de l’Amérique sur des éventuelles sanctions des Américains visant à révoquer le visa de certains leaders de l’opposition, Jon Piechowski a répondu en ces termes : « Je ne sais pas… Evidemment nous avons des mesures que nous pouvons prendre s’il y a des gens qui font des choses contre la démocratie. Mais je ne veux pas spéculer en ce moment », a-t-il dit, soulignant que la nécessité de l’heure c’est le dialogue entre tous les acteurs politiques afin de former un gouvernement.
Si la crise perdure, Jon Piechowski, diplomate en poste en Haïti au début de la décennie et qui s’exprimait en créole, estime que la situation deviendrait plus difficile en Haïti puisqu’il n’y a pas d’aide au développement ni investissements.
Interrogé aussi sur l’appui du gouvernement américain au président Jovenel Moïse, Jon Piechowski a souligné que l’administration américaine travaille avec tous les élus dans l’hémisphère…
S’agissant de l’aide humaine sollicitée par le président Jovenel Moïse auprès du président Trump, Jon Piechowski a déclaré : « Nous étudions cette demande rapidement. Cette demande montre que les problèmes en Haïti sont plus grands en l’absence d’un gouvernement fonctionnel. Cette situation nous inquiète et inquiète la communauté internationale. Nous savons que le peuple haïtien est en train de souffrir actuellement. Pendant que nous étudions cette demande, nous voulons que tous les acteurs politiques s’asseyent pour former un gouvernement. »
Jon Piechowski, dans cette interview à VAO, n’a pas précisé si l’aide alimentaire sera accompagnée d’un appui logistique comme l’a sollicité les autorités haïtiennes. Cependant, l’officiel américain a souligné que son gouvernement veut s’assurer que c’est effectivement la population qui reçoit l’aide alimentaire. « S’il y a un problème logistique, on va l’étudier, mais pour le moment je ne sais pas », a-t-il fait savoir.
Pour que les Etats-Unis continuent d’accompagner le peuple haïtien, « nous voulons que les acteurs politiques, dans le plus bref délai, forment un gouvernement dans le dialogue. Avant la formation d’un gouvernement fonctionnel, nous n’aurons pas de coopération », a laissé entendre l’officiel américain, soulignant qu’il n’a aucune date pour que le gouvernement américain réponde à la demande d’aide alimentaire des autorités haïtiennes.
Par ailleurs, le même jour de l’interview de Jon Piechowski, des politiciens haïtiens, parmi eux deux sénateurs et un maire de l’opposition, sont arrivés à Washington où ils espèrent rencontrer des membres de l’administration Trump et des parlementaires américains sur la crise politique en Haïti, selon ce qu’ils ont fait savoir.
« Une délégation composée des sénateurs Nènel Cassy et Evallière Beauplan, de l’ancien président de l’Assemblée nationale Simon Dieuseul Desras et du maire de la Croix-des-Bouquets Rony Colin est en visite à Washington pour 48 heures. Ce déplacement intervient dans le cadre de la poursuite des consultations avec différents membres de l’administration Trump ainsi que des parlementaires américains sur la crise haïtienne », selon un communiqué du bureau du sénateur Nènel Cassy.
Le sénateur de l’opposition en a profité pour appeler au maintien de la mobilisation « afin de casser le système en place et d’instaurer un autre modèle de société. »
En ce sens, le porte-parole du Secteur démocratique et populaire, le fer de lance de la mobilisation des mouvements de protestation pour exiger la démission du chef de l’Etat, a communiqué au journal un calendrier des activités de l’opposition. Selon Me André Michel, ce mercredi 30 octobre, tout le secteur hospitalier, à savoir les médecins, les infirmières, les sages-femmes, les ambulanciers, les secouristes, « bref tous les professionnels de santé seront dans les rues mercredi de manière pacifique », a-t-il dit.
Ensuite, le jeudi 31 octobre, « ce sera au tour des chauffeurs de motocyclettes de faire entendre leur voix dans la capitale. Le jour de la Toussaint ramènera le 100e anniversaire de la mort de Charlemagne Péralte, résistant à l’occupation américaine. Vendredi, nous allons saluer sa mémoire », a annoncé Me André Michel.
Le vendredi 1er novembre également, a-t-il ajouté, est réservé à Raram de Bel-Air avec le parcours suivant : Bel-Air – Lalue- Nazon- Carrefour de l’Aéroport – autoroute de Delmas – Pétion-Ville – Bourdon – Bois-Verna – Champ de Mars pour retourner au Bel-Air.
Le samedi 2 novembre ce sera une journée de mobilisation générale à travers tout le pays et dans les villes de province, selon Me Michel. L’avocat souligne que les funérailles du journaliste Néhémie Joseph assassiné la semaine dernière à Mirebalais seront chantées le dimanche 3 novembre et ce sera aussi, a-t-il dit, une journée de « solidarité aux victimes de répression du gouvernement. »
Le lundi 4 novembre sera consacré à une journée de deuil national « au cours de laquelle les militants seront debout pour exiger le départ de M. Moïse. Et nous lancerons le mardi 5 novembre l’opération baptisée « Mete lòd nan dezòd dans l’administration publique », a annoncé le porte-parole du Secteur démocratique et populaire. « Nous appelons les protestataires à confisquer tout véhicule de ministres démissionnaires et de directeurs généraux circulant sur les voies publiques… », a-t-il lancé.
Par ailleurs, l’opposition a appelé à la protection des journalistes, des enfants, des ambulances, des femmes enceintes lors des mouvements de protestation.
Robenson Geffrard