Bien planifier la gestion des déchets peut être source de richesses

L’insalubrité à Port-au-Prince et dans certaines villes de province en Haïti n’est pas un problème irrémédiable. Une bonne planification dans la gestion des déchets peut aboutir à des résultats satisfaisants dans ce secteur. Toutefois, il nous faut, avant tout, résoudre les conflits interinstitutionnels qui peuvent empêcher les bonnes prises de décision. Tel est le credo de Joaneson Lacour, ingénieur-agronome et docteur en chimie de l’environnement, qui intervenait sur ce sujet à l’émission HaitiClimat du 20 février 2020 sur les ondes de Radio Magik 9.

La gestion des déchets n’est pas uniquement une affaire de collecte et de ramassage d’ordures. Cette entreprise n’est qu’une « opération », mais elle ne résume pas pour autant la problématique en question. . « Avant même de parler de gestion des déchets, il faut d’abord penser à la planification, assure le docteur Lacour. Et cette planification doit tenir compte de la composition (catégorie) des déchets, de l’environnement sociopolitique et économique, de l’aménagement du territoire, de la démographie et des différents acteurs impliqués dans le processus. »

La planification aussi doit fixer les responsabilités et permettre une bonne coordination entre les institutions. La Constitution en vigueur en Haïti attribue aux municipalités la tâche de la salubrité dans les villes. Tout récemment, une nouvelle structure est créée. Il s’agit du Service national de gestion des résidus solides (SNGRS). Jusqu’à présent, l’on a du mal à délimiter le champ d’intervention de l’une ou de l’autre des entités. Qui du SNGRS ou des municipalités est responsable du ramassage des ordures dans les villes ?

Opportunité à saisir

Pour l’ingénieur-agronome, également professeur d’université, les déchets sont, par définition, tout ce dont on n’a plus besoin et dont on veut se débarrasser. Ces derniers constituent un matériau qui n’est pas conventionnel par rapport aux biens économiques que nous gérons habituellement. « Leur nature leur confère donc une valeur négative. Ce qui explique probablement l’amateurisme avec lequel nous traitons la problématique de la gestion des déchets », croit-il. Pourtant, en étant plus intelligents dans l’utilisation que nous en faisons, nous pourrions les transformer en opportunité. C’est ce que le professeur appelle la valorisation des déchets.

Selon leur composition, les déchets sont répertoriés en diverses catégories. Ainsi existe-t-il des déchets pharmaceutiques, textiles, sanitaires, biomédicaux, organiques… Dans une société de consommation comme la nôtre, la catégorie de déchets dominante est celle des déchets organiques : ceux que nous produisons chez nous tous les jours et qui peuvent facilement se décomposer. Nous pouvons les utiliser pour le compostage en agriculture. Dans ce cas-là, notre climat tropical se présente comme un atout. Ces déchets peuvent également aider à la production d’énergie par méthanisation. Le très expérimenté docteur Lacour en a déjà fait l’expérience dans plusieurs pays africains tels que le Togo, le Bénin, le Burkina-Faso, entre autres. « Ce sont des procédés très simples qui ne coûtent pas cher », fait-il remarquer.

Tentative de réforme dans le secteur

Avec la loi Gary Bodeau consacrant la création du SNGRS, cette nouvelle structure est censée faire le même travail que le SMCRS (Service métropolitain de collecte de résidus solides) jadis, mais cette fois-ci sur tout le territoire national. Dès la promulgation de cette loi dans Le Moniteur, plusieurs personnalités dans l’administration publique notamment ont exprimé leur réserve. Des acteurs clés ont été mis à l’écart, déplore-t-on. Le professeur Lacour n’émet pas un avis différent. S’il est vrai que l’université apprécie l’esprit de la loi qui veut initier une réforme dans le secteur, le travail réalisé lui paraît toutefois beaucoup plus politique que technique. « Quand on initie une réforme, il y a ce que l’on appelle l’arrangement politico-administratif, c’est-à dire la politique publique d’un côté et l’administration de l’autre. C’est dans l’administration que va intervenir l’ensemble des acteurs évoluant dans le secteur. Et c’est peut-être ce travail que le député Bodeau n’a pas fait que nous réalisons aujourd’hui », avance-il.

Depuis peu, une table de concertation a été mise sur pied, et prend en compte les propositions des différents acteurs du secteur. Quoi qu’il en soit, la gestion des déchets n’a rien de sorcier. Avec une bonne planification, de la volonté, du savoir-faire, nous pouvons transformer cette problématique en opportunité.

L’émission HaitiClimat est diffusée tous les jeudis entre 9h et 10h am sur Magik 9 (100.9 FM). Elle est également disponible en podcast sur le site www.haiticlimat.com.

Romaric Fils-Aimé/www.haiticlimat.com

https://lenouvelliste.com/article/212811/bien-planifier-la-gestion-des-dechets-peut-etre-source-de-richesses

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