Comment le Mossad recrute ses agents secrets.

Mossad

Dessin d’Ares.

Les mĂ©thodes de sĂ©lection pointilleuses des candidats de l’agence israĂ©lienne de renseignements n’ont pas empĂȘchĂ© quelques Ă©checs. Certains agents recrutĂ©s se sont avĂ©rĂ©s problĂ©matiques. Une passionnante enquĂȘte du Jerusalem Post.

L’intĂ©rĂȘt soutenu, suscitĂ© tant en IsraĂ«l qu’à l’étranger par l’affaire Ben Zygier (ce Juif australien recrutĂ© par le Mossad qui s’est suicidĂ© dans une prison israĂ©lienne en dĂ©cembre 2010), a braquĂ© les projecteurs sur la fascinante question des mĂ©thodes de sĂ©lection des candidats potentiels au mĂ©tier d’agent secret. Sur son site Internet, le Mossad se dĂ©finit comme “service secret de renseignements d’IsraĂ«l” (Israel Secret Intelligence Service : Isis). Il prĂ©sente sa mission comme “la collecte d’informations, l’analyse de renseignements et l’accomplissement d’opĂ©rations secrĂštes spĂ©ciales hors des frontiĂšres d’IsraĂ«l”. Le site encourage le public, tant en IsraĂ«l qu’à l’étranger, Ă  poser sa candidature pour des emplois dans des spĂ©cialitĂ©s variĂ©es : graphiste, logisticien, informaticien, mais aussi spĂ©cialiste de langues Ă©trangĂšres, en particulier le perse et l’arabe.Il apparaĂźt clairement que l’étape cruciale du recrutement rĂ©side dans une sĂ©lection judicieuse des candidats potentiels. Le premier examen approfondi des individus vise Ă  Ă©tablir s’ils conviendront pour les missions qui leur seront assignĂ©es et, surtout, s’ils ne risquent pas de saboter leur travail ou de commettre des bourdes susceptibles de porter atteinte aux intĂ©rĂȘts nationaux d’IsraĂ«l. L’objectif ultime est de s’assurer qu’ils resteront loyaux envers l’organisation. Les emplois proposĂ©s sont prĂ©sentĂ©s avec force superlatifs : “Le poste qui changera votre vie” ou “Le travail de vos rĂȘves !”Agents de terrain, contacts et analystes

Voici un exemple de poste dans le domaine des “missions spĂ©ciales” : le candidat, dit-on, “aura l’opportunitĂ© de crĂ©er une rĂ©alitĂ© dans laquelle il jouera le rĂŽle central”. On se croirait dans La Petite Fille au tambour, le roman d’espionnage de John le CarrĂ©, dans lequel l’auteur compare les mĂ©tiers du renseignement Ă  l’art dramatique. En fait, la prĂ©sentation ci-dessus correspond Ă  la description d’un emploi de katsa, acronyme hĂ©braĂŻque pour “officier de collecte”. Dans d’autres services de renseignements, on appelle cela “contact”.

En dĂ©pit de son image Ă  l’étranger, qui veut que l’organisation assure surtout la liquidation d’ennemis, le Mossad est loin de se limiter Ă  cette activitĂ©. Durant ses plus de soixante ans d’existence, il n’a Ă©tĂ© impliquĂ© que dans une quarantaine d’assassinats ciblĂ©s de terroristes, spĂ©cialistes du nuclĂ©aire ou criminels de guerre nazis. Son activitĂ© consiste surtout au recueil et Ă  l’analyse d’informations. Le katsa joue un rĂŽle essentiel au sein du Mossad. Il est indispensable. C’est la tĂȘte de pont de l’agence sur le terrain. Avec l’aide de spĂ©cialistes basĂ©s au quartier gĂ©nĂ©ral, il est chargĂ© de repĂ©rer, d’approcher, de recruter, d’entraĂźner, de dĂ©fendre et d’assister au jour le jour l’agent censĂ© procurer les renseignements. Il appartient au dĂ©partement que l’on appelle le Tsomet (“carrefour”).

Autre dĂ©partement du Mossad, le Keshet (“arc”) a pour rĂŽle de surveiller les cibles autant que de s’infiltrer dans les lieux qui intĂ©ressent l’agence. Enfin, le troisiĂšme dĂ©partement, le CĂ©sarĂ©e, est responsable du bien-ĂȘtre des petits chouchous du Mossad : les agents de terrain. Ce sont ces derniers qui s’infiltrent dans des pays ennemis, comme la Syrie, le Liban ou, le plus dangereux, l’Iran. L’une des unitĂ©s du CĂ©sarĂ©e est le Kidon (“baĂŻonnette”), qui mĂšne les opĂ©rations les plus dĂ©licates nĂ©cessitant un recours Ă  la violence.

Ecarter les personnalités troubles pour éviter les fiascos

L’une des grandes fonctions du site Internet est d’élargir le rĂ©seau de candidats potentiels au Mossad. Avant sa crĂ©ation, il y a quinze ans, on exploitait seulement le “rĂ©seau des anciens” : on recherchait des candidats parmi les anciens militaires ou dans la communautĂ© du renseignement en utilisant le systĂšme des recommandations personnelles. Depuis, le mode de recrutement s’est grandement amĂ©liorĂ©. Reste pourtant un problĂšme majeur pour le dĂ©partement des ressources humaines : comment s’assurer que la nouvelle recrue ne souffre pas de troubles de la personnalitĂ© cachĂ©s ou de tendances suicidaires latentes ? Les annales du Mossad et d’autres agences de renseignements regorgent d’exemples oĂč des candidats qui auraient convenu ont Ă©tĂ© disqualifiĂ©s.

En revanche, les cas connus de recrutement d’individus atteints de troubles de la personnalitĂ© ont Ă©tĂ© trĂšs rares. On en compte au moins quatre toutefois : d’abord celui d’Avri Elad, major dans Tsahal.

En 1954, il est envoyĂ© en Egypte sous l’identitĂ© d’un ancien officier SS pour diriger un groupe d’étudiants juifs Ă©gyptiens entraĂźnĂ©s pour dĂ©stabiliser le rĂ©gime. Il finira par les trahir. Bien qu’il ait rĂ©futĂ© ces accusations, il fera dix ans de prison. Vient ensuite l’histoire de MordechaĂŻ Kedar, un cambrioleur de banques soupçonnĂ© de meurtre. RecrutĂ© en 1956, il est formĂ© puis envoyĂ© en Argentine, oĂč il doit se constituer une couverture avant d’ĂȘtre expĂ©diĂ© en Egypte. Alors qu’il se trouve Ă  Buenos Aires, il assassine son contact juif local et lui vole son argent. Kedar a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© coupable par un tribunal militaire et emprisonnĂ© durant vingt ans.Trois dĂ©cennies plus tard, c’est l’affaire Victor Ostrovsky qui Ă©clate au grand jour. Celui-ci possĂšde un passeport canadien et les traits d’un play-boy professionnel. On le recrute malgrĂ© de nombreux travers pourtant reconnus. Ostrovsky se rend alors coupable de fraude financiĂšre. AprĂšs dix-huit mois de formation, ses contacts s’aperçoivent qu’il dupe les autres Ă©lĂšves espions. RenvoyĂ©, il prend sa revanche en Ă©crivant un livre sur les opĂ©rations du Mossad, dans lequel il n’hĂ©site pas Ă  donner des noms. Avant la sortie de l’ouvrage, truffĂ© de mensonges, le Mossad tente sans succĂšs d’empĂȘcher sa publication. Celui-ci devient un best-seller et fait de l’ancien espion un homme riche.Enfin, il y a l’affaire Yehouda Gil. Ce katsa de lĂ©gende, homme d’affaires italien du milieu des annĂ©es 1970, se lie d’amitiĂ© avec un gĂ©nĂ©ral syrien qu’il a pour mission de recruter. Mais le gĂ©nĂ©ral n’est pas prĂȘt Ă  trahir son pays. Redoutant de rĂ©vĂ©ler son Ă©chec Ă  ses supĂ©rieurs, Gil fera croire pendant vingt ans que le fameux gĂ©nĂ©ral l’alimente rĂ©guliĂšrement en renseignements valides. Pendant tout ce temps, il fabrique de toutes piĂšces les rapports et dissimule l’argent qu’il est censĂ© verser au gĂ©nĂ©ral sous les matelas de son appartement du sud de Tel-Aviv. Au milieu des annĂ©es 1990, l’un des rapports inventĂ©s par Gil manque de provoquer un conflit entre IsraĂ«l et la Syrie.

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Parole de Mossad

D’habitude rĂ©ticent Ă  s’exprimer dans les mĂ©dias, ShabtaĂŻ Shavit, directeur du Mossad jusqu’en 1996, vient de rompre le silence dans Yediot Aharonot. “Nous devons finir le boulot, rĂ©gler leur compte Ă  ceux que nous avons inscrits sur la liste des suspects, avant que les AmĂ©ricains ne nous disent stop. Il faut profiter de l’opportunitĂ© qui s’est prĂ©sentĂ©e pour frapper Arafat dans les zones autonomes, sinon le phĂ©nix renaĂźtra Ă  nouveau de ses cendres. Il faut pulvĂ©riser toutes ses infrastructures, en finir avec l’AutoritĂ© palestinienne et envoyer Arafat en maison de repos.”

En 1954, il est envoyĂ© en Egypte sous l’identitĂ© d’un ancien officier SS pour diriger un groupe d’étudiants juifs Ă©gyptiens entraĂźnĂ©s pour dĂ©stabiliser le rĂ©gime. Il finira par les trahir. Bien qu’il ait rĂ©futĂ© ces accusations, il fera dix ans de prison. Vient ensuite l’histoire de MordechaĂŻ Kedar, un cambrioleur de banques soupçonnĂ© de meurtre. RecrutĂ© en 1956, il est formĂ© puis envoyĂ© en Argentine, oĂč il doit se constituer une couverture avant d’ĂȘtre expĂ©diĂ© en Egypte. Alors qu’il se trouve Ă  Buenos Aires, il assassine son contact juif local et lui vole son argent. Kedar a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© coupable par un tribunal militaire et emprisonnĂ© durant vingt ans.

Trois dĂ©cennies plus tard, c’est l’affaire Victor Ostrovsky qui Ă©clate au grand jour. Celui-ci possĂšde un passeport canadien et les traits d’un play-boy professionnel. On le recrute malgrĂ© de nombreux travers pourtant reconnus. Ostrovsky se rend alors coupable de fraude financiĂšre. AprĂšs dix-huit mois de formation, ses contacts s’aperçoivent qu’il dupe les autres Ă©lĂšves espions. RenvoyĂ©, il prend sa revanche en Ă©crivant un livre sur les opĂ©rations du Mossad, dans lequel il n’hĂ©site pas Ă  donner des noms. Avant la sortie de l’ouvrage, truffĂ© de mensonges, le Mossad tente sans succĂšs d’empĂȘcher sa publication. Celui-ci devient un best-seller et fait de l’ancien espion un homme riche.

Enfin, il y a l’affaire Yehouda Gil. Ce katsa de lĂ©gende, homme d’affaires italien du milieu des annĂ©es 1970, se lie d’amitiĂ© avec un gĂ©nĂ©ral syrien qu’il a pour mission de recruter. Mais le gĂ©nĂ©ral n’est pas prĂȘt Ă  trahir son pays. Redoutant de rĂ©vĂ©ler son Ă©chec Ă  ses supĂ©rieurs, Gil fera croire pendant vingt ans que le fameux gĂ©nĂ©ral l’alimente rĂ©guliĂšrement en renseignements valides. Pendant tout ce temps, il fabrique de toutes piĂšces les rapports et dissimule l’argent qu’il est censĂ© verser au gĂ©nĂ©ral sous les matelas de son appartement du sud de Tel-Aviv. Au milieu des annĂ©es 1990, l’un des rapports inventĂ©s par Gil manque de provoquer un conflit entre IsraĂ«l et la Syrie.

Courrier International.,  http://www.courrierinternational.com/article/2013/12/12/comment-le-mossad-recrute-ses-agents-secrets?page=1#page_1

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