Dessin d’Ares.
Les méthodes de sélection pointilleuses des candidats de l’agence israélienne de renseignements n’ont pas empêché quelques échecs. Certains agents recrutés se sont avérés problématiques. Une passionnante enquête du Jerusalem Post.
Voici un exemple de poste dans le domaine des “missions spéciales” : le candidat, dit-on, “aura l’opportunité de créer une réalité dans laquelle il jouera le rôle central”. On se croirait dans La Petite Fille au tambour, le roman d’espionnage de John le Carré, dans lequel l’auteur compare les métiers du renseignement à l’art dramatique. En fait, la présentation ci-dessus correspond à la description d’un emploi de katsa, acronyme hébraïque pour “officier de collecte”. Dans d’autres services de renseignements, on appelle cela “contact”.
En dépit de son image à l’étranger, qui veut que l’organisation assure surtout la liquidation d’ennemis, le Mossad est loin de se limiter à cette activité. Durant ses plus de soixante ans d’existence, il n’a été impliqué que dans une quarantaine d’assassinats ciblés de terroristes, spécialistes du nucléaire ou criminels de guerre nazis. Son activité consiste surtout au recueil et à l’analyse d’informations. Le katsa joue un rôle essentiel au sein du Mossad. Il est indispensable. C’est la tête de pont de l’agence sur le terrain. Avec l’aide de spécialistes basés au quartier général, il est chargé de repérer, d’approcher, de recruter, d’entraîner, de défendre et d’assister au jour le jour l’agent censé procurer les renseignements. Il appartient au département que l’on appelle le Tsomet (“carrefour”).
Autre département du Mossad, le Keshet (“arc”) a pour rôle de surveiller les cibles autant que de s’infiltrer dans les lieux qui intéressent l’agence. Enfin, le troisième département, le Césarée, est responsable du bien-être des petits chouchous du Mossad : les agents de terrain. Ce sont ces derniers qui s’infiltrent dans des pays ennemis, comme la Syrie, le Liban ou, le plus dangereux, l’Iran. L’une des unités du Césarée est le Kidon (“baïonnette”), qui mène les opérations les plus délicates nécessitant un recours à la violence.
Ecarter les personnalités troubles pour éviter les fiascos
L’une des grandes fonctions du site Internet est d’élargir le réseau de candidats potentiels au Mossad. Avant sa création, il y a quinze ans, on exploitait seulement le “réseau des anciens” : on recherchait des candidats parmi les anciens militaires ou dans la communauté du renseignement en utilisant le système des recommandations personnelles. Depuis, le mode de recrutement s’est grandement amélioré. Reste pourtant un problème majeur pour le département des ressources humaines : comment s’assurer que la nouvelle recrue ne souffre pas de troubles de la personnalité cachés ou de tendances suicidaires latentes ? Les annales du Mossad et d’autres agences de renseignements regorgent d’exemples où des candidats qui auraient convenu ont été disqualifiés.
En revanche, les cas connus de recrutement d’individus atteints de troubles de la personnalité ont été très rares. On en compte au moins quatre toutefois : d’abord celui d’Avri Elad, major dans Tsahal.
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D’habitude réticent à s’exprimer dans les médias, Shabtaï Shavit, directeur du Mossad jusqu’en 1996, vient de rompre le silence dans Yediot Aharonot. “Nous devons finir le boulot, régler leur compte à ceux que nous avons inscrits sur la liste des suspects, avant que les Américains ne nous disent stop. Il faut profiter de l’opportunité qui s’est présentée pour frapper Arafat dans les zones autonomes, sinon le phénix renaîtra à nouveau de ses cendres. Il faut pulvériser toutes ses infrastructures, en finir avec l’Autorité palestinienne et envoyer Arafat en maison de repos.”
En 1954, il est envoyé en Egypte sous l’identité d’un ancien officier SS pour diriger un groupe d’étudiants juifs égyptiens entraînés pour déstabiliser le régime. Il finira par les trahir. Bien qu’il ait réfuté ces accusations, il fera dix ans de prison. Vient ensuite l’histoire de Mordechaï Kedar, un cambrioleur de banques soupçonné de meurtre. Recruté en 1956, il est formé puis envoyé en Argentine, où il doit se constituer une couverture avant d’être expédié en Egypte. Alors qu’il se trouve à Buenos Aires, il assassine son contact juif local et lui vole son argent. Kedar a été déclaré coupable par un tribunal militaire et emprisonné durant vingt ans.
Trois décennies plus tard, c’est l’affaire Victor Ostrovsky qui éclate au grand jour. Celui-ci possède un passeport canadien et les traits d’un play-boy professionnel. On le recrute malgré de nombreux travers pourtant reconnus. Ostrovsky se rend alors coupable de fraude financière. Après dix-huit mois de formation, ses contacts s’aperçoivent qu’il dupe les autres élèves espions. Renvoyé, il prend sa revanche en écrivant un livre sur les opérations du Mossad, dans lequel il n’hésite pas à donner des noms. Avant la sortie de l’ouvrage, truffé de mensonges, le Mossad tente sans succès d’empêcher sa publication. Celui-ci devient un best-seller et fait de l’ancien espion un homme riche.
Enfin, il y a l’affaire Yehouda Gil. Ce katsa de légende, homme d’affaires italien du milieu des années 1970, se lie d’amitié avec un général syrien qu’il a pour mission de recruter. Mais le général n’est pas prêt à trahir son pays. Redoutant de révéler son échec à ses supérieurs, Gil fera croire pendant vingt ans que le fameux général l’alimente régulièrement en renseignements valides. Pendant tout ce temps, il fabrique de toutes pièces les rapports et dissimule l’argent qu’il est censé verser au général sous les matelas de son appartement du sud de Tel-Aviv. Au milieu des années 1990, l’un des rapports inventés par Gil manque de provoquer un conflit entre Israël et la Syrie.
Courrier International., http://www.courrierinternational.com/article/2013/12/12/comment-le-mossad-recrute-ses-agents-secrets?page=1#page_1