En vue de trouver une issue à la crise dominicaine sur la dénationalisation des milliers de citoyens dominicains d’ascendance haïtienne, le Comité de solidarité avec les personnes dénationalisées (CSPD), composé de plus de 300 intellectuels et citoyens dominicains, organise le jeudi 5 décembre un grand rassemblement à l’Aula Magna de l’Université Autonome de Santo Domingo. Ces intellectuels ont, dans une note adressée au journal, fait des propositions pour une solution au conflit de la nationalité.
Il importe que nos compatriotes sachent que, en terre voisine, prolongeant une tradition peu connue chez nous, il existe un nombre important de citoyennes et de citoyens dominicains qui sont en désaccord total avec la « sentence» et la perspective de son application. Et qui luttent pour obtenir le « retrait», l’annulation de la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine, selon le sociologue Roger A. Matiba.
Parmi ces personnalités, on peut citer Messeigneurs Julio Holguin Khoury et Telesforo Isaac, évêques de l’Eglise épiscopale dominicaine; Juan Bolivar Diaz et Huchi Lora, journalistes, aujourd’hui ouvertement menacés dans leur intégrité physique par les groupuscules «nazionalistes»; Minou Tavares Mirabal, député du PLD qui s’est formellement prononcé contre l’arrêt, digne fille de deux héros de la lutte anti-trujilliste. Les quatre premiers sont parmi les animateurs du Comité de solidarité avec les personnes dénationalisées qui a vu le jour le 5 novembre dernier à Santo Domingo.
Devant la visite imminente de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH ) en République dominicaine, le CSPD souhaite, dans un document communiqué au Nouvelliste, que les autorités dominicaines trouvent une solution au grave problème créé par la politique de dépossession de la nationalité que pratique depuis 2006 la Junte centrale électorale par de simples mesures administratives . Cette situation est aggravée et amplifiée par la sentence 168-13 de la Cour constitutionnelle qui enlève la citoyenneté à des dizaines de milliers de citoyens dominicains d’origine étrangère, en grande majorité d’ascendance haïtienne.
Le CSPD dit espérer que la présence de la CIDH encourage les divers acteurs gouvernementaux et les responsables politiques à trouver une solution au grave conflit des citoyens dénationalisés, avec la volonté de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité juridique et la pleine jouissance des droits des descendants d’Haïtiens nés en République dominicaine, comme le gouvernement dominicain s’ y est engagé dans le protocole d’accord signé avec les autorités haïtiennes grâce à la médiation du Venezuela . Le fait que ledit protocole ait été dénoncé n’invalide pas l’engagement.
Toujours selon le document, le CSPD suggère une solution dominicaine au conflit provoqué par la Junte centrale électorale et la sentence du tribunal constitutionnel , sur la base de l’approche de l’alinéa 2 de l’article 18 de la Constitution qui reconnaît la citoyenneté à « ceux qui jouissent de la nationalité dominicaine avant l’entrée en vigueur de la présente Constitution » , ainsi que de l’article 110 de la même Constitution qui ratifie le principe juridique de la non – rétroactivité de la loi : « En aucun cas, les pouvoirs publics ou la loi ne peuvent affecter la sécurité juridique dérivée de situations établies en vertu d’une législation antérieure.»
« Il est évident que l’immense refus national et international de l’arrêt de la dénationalisation a créé une situation de graves incertitudes qui commencent à affecter l’image du pays, qui ne peut pas, au nom de sa souveraineté, ignorer ses obligations internationales, ni faire fi de la sensibilité universelle en matière de droits aussi fondamentaux que celui de la nationalité. Les autorités ont le devoir de prévenir d’autres dommages découlant des dénonciations auxquelles est soumis l’État dominicain», lit-on dans le document.
Selon le CSPD, le président Danilo Medina a, d’une part, soulevé des questions quant à la justesse de la sentence et reconnu qu’une solution doit être recherchée aux graves implications humaines de l’arrêt. Et d’autre part, l’ancien président Leonel Fernandez, président du parti au pouvoir, a remis en question sa rétroactivité. Les deux hommes politiques sont les principaux dirigeants de l’organisation politique qui contrôle les chambres législatives et qui ont la capacité de prendre des initiatives efficaces pour préserver les droits humains en danger.
D’importants dirigeants politiques, de parlementaires et des membres de la société civile dominicaine, ainsi que des experts en affaires constitutionnelles, ont exprimé leurs préoccupations et leur disposition à rechercher une solution concertée dans le cadre du respect des droits des personnes et l’ordre institutionnel .
Par ailleurs, le CSPD croit que la solution dominicaine au conflit évitera que les revendications légitimes de justice des citoyens et citoyennes affectés par la sentence n’aillent à la Cour interaméricaine des droits humains et à une condamnation de l’Etat, étant donné la jurisprudence établie en son verdict de 2005 dans le cas des filles Yean et Bosico. «Nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas de solution en dehors de la reconnaissance du droits des dizaines de milliers de descendants d’étrangers qui ont été reconnus depuis des décennies comme Dominicains», précise le CSPD .
Toutefois, la résolution et le dépassement de ce conflit, qui a profondément divisé la société dominicaine, permettra, selon le CSPD, de centrer l’attention sur la récente proposition de « Plan national de régularisation d’étrangers en situation migratoire irrégulière », en discussion depuis près de deux ans.
Le Nouvelliste | Publié le : 02 d�cembre 2013., http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/124658/Des-Dominicains-plaident-pour-une-issue-a-la-crise.html