Des milliers d’opposants expriment leur ras-le-bol

18 novembre/contestation

Le Nouvelliste | Publié le : 19 novembre 2013

Des milliers de personnes ont gagnĂ© les rues, lundi, dans plusieurs villes du pays Ă  l’appel de l’opposition. Alors que le prĂ©sident Martelly commĂ©morait les 210 ans de la guerre de l’indĂ©pendance, des milliers d’HaĂŻtiens exigeaient son dĂ©part. Une dĂ©monstration que les partisans du prĂ©sident Martelly n’ont pas pu rivaliser. RĂ©cit d’une journĂ©e de protestation sur fond de tension.

Les manifestants Ă  Delmas
Jean Marc Hervé Abélard
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Assiettes et cuillĂšres en main, certains brandissant des posters de l’ancien prĂ©sident Jean-Bertrand Aristide, ils Ă©taient plusieurs centaines au dĂ©but de la manifestation Ă  Port-au-Prince, devant les ruines de l’église Saint Jean Bosco. OrganisĂ©e par l’opposition et des organisations proches du parti Fanmi Lavalas, la manifestation a fait le tour de plusieurs quartiers populaires avant de gagner l’autoroute de Delmas pour se diriger ensuite vers PĂ©tion-Ville. A Delmas 18, ils sont dĂ©jĂ  quelques milliers, reprenant le refrain scandĂ© lors de la manifestation du 29 octobre dernier : « FĂČk Mateli ale ».
Un deuxiĂšme groupe de manifestants, en provenance de CitĂ© Soleil, rejoint les protestataires. Difficile d’évaluer cette foule qui ne cesse de grossir. Chose certaine, ils sont dĂ©jĂ  plusieurs milliers avant mĂȘme d’atteindre le carrefour de l’aĂ©roport. Jeunes, vieillards, militants politiques de sensibilitĂ© lavalassienne, membres de l’opposition politique, etc. Les manifestants chantent, dansent et lancent des propos hostiles au pouvoir en place, dont ils exigent le renvoi pour ce qu’ils qualifient de dĂ©rives. Tout se dĂ©roule sous forte prĂ©sence policiĂšre. Plusieurs unitĂ©s de la PNH, dont la Compagnie d’intervention et de maintien de l’ordre (CIMO), veillent au grain.
Alors que la grande foule de marcheurs entame sa montĂ©e vers PĂ©tion-Ville, des Ă©tudiants de la FacultĂ© d’ethnologie commencent une manifestation improvisĂ©e, Ă©rigeant des barricades devant les locaux de la facultĂ©. Les forces de l’ordre interviennent Ă  coups de gaz lacrymogĂšne pour disperser ce dĂ©but de manifestation. Un peu plus tard, un Ă©tudiant de la mĂȘme facultĂ© est blessĂ© gravement Ă  la main droite, en essayant de retourner aux policiers une grenade lacrymogĂšne lancĂ©e en direction de ses camarades protestataires.
Manifestations Ă  PĂ©tion-Ville et Ă  Carrefour en faveur du pouvoir
La grande marche des opposants au pouvoir poursuit lentement sa course en direction de PĂ©tion-Ville. PrĂšs de 10 000 personnes foulent le macadam de la route de Delmas, sous les regards des curieux qui, alignĂ©s le long de la route, sur les balcons et les toits des maisons, regardent les manifestants passer sous leur nez. Manifestement, ces derniers sont dĂ©terminĂ©s Ă  atteindre PĂ©tion-ville, s’époumonant Ă  scander le slogan « Dessalines Pral Kay PĂ©tion » 
A PĂ©tion-Ville, c’est une ambiance diffĂ©rente. Des petits groupes de manifestants avaient gagnĂ© les rues au cours de la nuit du 17 novembre, en vue de tĂ©moigner de leur soutien au prĂ©sident Martelly. Des barricades enflammĂ©es et des tirs nourris ont Ă©tĂ© signalĂ©s dans la nuit du 17 au 18 novembre, dans la commune oĂč rĂ©side la famille prĂ©sidentielle. Il est 11 heures du matin quand quelques dizaines de personnes laissent le rond-point de la rue PanamĂ©ricaine, zone Muncheez, pour manifester dans plusieurs rues de la commune afin d’exiger le respect du mandat de cinq ans du prĂ©sident Martelly. Plusieurs groupuscules Ă©taient visibles dans diverses intersections de rues de PĂ©tion-Ville.
Quelques jours aprĂšs l’annonce de la manifestation de l’opposition, le responsable de la Conasovic, Rosemond Jean, avait annoncĂ© que des partisans du pouvoir prendront les rues aussi le jour du 18 novembre. Peu aprĂšs 10 heures du matin, prĂšs d’une centaine de manifestants se sont rassemblĂ©s dans le quartier de Mariani. Ces derniers, qui rĂ©clament le respect du mandat du prĂ©sident Michel Martelly, ont pris la route de Carrefour en direction du Centre-ville. A Bizoton, une dispute a Ă©clatĂ© entre les manifestants et leur chef de file, Rosemond Jean. Les manifestants rĂ©clament le montant de mille (1000) gourdes que le responsable de la Conasovic leur avait promis en Ă©change de leur participation Ă  cette marche.
« Il n’était jamais question de promesse d’argent entre les manifestants et moi. Ils ont volontairement gagnĂ© les rues », s’est dĂ©fendu Rosemond Jean dans la presse. Les policiers qui assuraient la sĂ©curitĂ© de la marche ont dĂ» partir en toute vitesse avec le responsable de la Conasovic pour l’épargner de la colĂšre de ses pairs. La manifestation qui entendait apporter son soutien au gouvernement a pris fin dans cette bagarre autour des mille (1000) gourdes qui auraient Ă©tĂ© promises par les organisateurs aux participants.
6 blessés par balles au Cap-Haïtien. Le président Martelly dans les rues
Au Cap-HaĂŻtien, au moins six personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es par balles dans la manifestation organisĂ©e par l’opposition, selon Kettly Julien, directrice de l’Institut mobile d’éducation dĂ©mocratique (IMED). Des individus non identifiĂ©s, circulant Ă  bord d’un minibus de couleur jaune, auraient ouvert le feu sur les manifestants, selon ce que racontent plusieurs tĂ©moins. Les unitĂ©s de la police nationale ont quadrillĂ© la zone du rond-point Samari, oĂč devrait partir la manifestation, tĂŽt dans la matinĂ©e. Les manifestants ont tout de mĂȘme lancĂ© un dĂ©but de protestation, rappelant leur droit de manifester. Les unitĂ©s de la PNH ont lancĂ© du gaz lacrymogĂšne Ă  profusion afin d’empĂȘcher l’opposition de gagner les rues dans le Nord.
« Ce comportement de la police ressemble Ă  celui du bandit-lĂ©gal, il est antidĂ©mocratique », a dĂ©noncĂ© l’ancien dĂ©putĂ© Hugues CĂ©lestin. «Nous avons annoncĂ© notre manifestation Ă  la police et voici qu’on nous empĂȘche de manifester», a rĂ©agi CĂ©lestin, qui ajoute : « C’est une violation systĂ©matique de notre droit comme citoyens haĂŻtiens».
Si les opposants Ă  Martelly n’ont pas pu fouler le macadam de l’ancien Cap-Français, rien n’a pu empĂȘcher le prĂ©sident et ses partisans de gagner les rues en marge de la cĂ©rĂ©monie de commĂ©moration du 210e anniversaire de la bataille de VertiĂšres. A la fin de son discours sur la place des hĂ©ros de l’indĂ©pendance Ă  VertiĂšres, le prĂ©sident Martelly a invitĂ© les personnes qui assistaient Ă  la cĂ©rĂ©monie de regagner la ville avec lui Ă  pied. La tension a rĂ©gnĂ© dans la citĂ© christophienne jusque dans la soirĂ©e de lundi. Pas moins de 31 personnes ont Ă©tĂ© interpellĂ©es par la police dans des plusieurs quartiers de la ville pour trouble Ă  l’ordre public.
A Delmas, la tension monte dans la manifestation qui s’approche de PĂ©tion-Ville A Delmas, des milliers de manifestants poursuivent leur marche vers PĂ©tion-Ville, exigeant sans arrĂȘt le dĂ©part du chef de l’Etat. A mesure que la manifestation s’approchait de PĂ©tion-Ville, la tension montait. ArrivĂ©s prĂšs de Delmas 48, les manifestants ont mis le feu Ă  un pneu qu’ils placent au milieu de la route. A Delmas 83, la police a dĂ» faire usage de gaz lacrymogĂšne afin d’éviter un affrontement entre les manifestants et des individus qui se sont pris aux protestataires. Une station d’essence situĂ©e Ă  l’entrĂ©e de Delmas 83 a Ă©tĂ© violemment attaquĂ©e par les manifestants.
MĂȘme ambiance Ă  l’approche de Delmas 95. Les manifestants Ă  nouveau ont attaquĂ© Ă  coups de pierres ce mĂȘme endroit qu’ils avaient attaquĂ© le 7 novembre. Des individus non identifiĂ©s s’en prennent encore Ă  la marche Ă  Delmas 70. La situation a failli dĂ©gĂ©nĂ©rer au niveau de Delmas 103, puis Ă  l’approche de l’ancien cimetiĂšre de PĂ©tion-Ville. Une pluie de pierres s’est abattue sur les manifestants qui, Ă  chaque fois tentent de riposter Ă  coups de pierres. Ce qui a provoquĂ© des pertes au passage. Des pare-brises de vĂ©hicules sont brisĂ©s, des magasins, ayant essuyĂ© des coups de pierres ont connu de gros dommages. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogĂšne Ă  rĂ©pĂ©tition pour permettre aux manifestants de continuer leur chemin.
Durant tout le passage de la manifestation Ă  PĂ©tion-Ville jusqu’à l’avenue PanamĂ©ricaine, au quartier de Morne-Lazare, des individus proches du pouvoir ont attaquĂ© sans arrĂȘt les protestataires. Plusieurs blessĂ©s sont recensĂ©s dans les rangs des manifestants qui ont poursuivi leur chemin vers l’avenue John Brown. La manifestation va s’achever au Champ de Mars oĂč les leaders de l’opposition ont, Ă  l’unisson, rĂ©clamĂ© le dĂ©part du chef de l’Etat qui, selon eux, n’a plus de lĂ©gitimitĂ© pour diriger le pays.
« Cette manifestation prouve que Michel Martelly n’a plus la lĂ©gitimitĂ© pour diriger ce pays. Le prĂ©sident est dĂ©sormais un cadavre politique», a dĂ©clarĂ© Me AndrĂ© Michel, farouche opposant au pouvoir. Le discours du sĂ©nateur MoĂŻse Jean-Charles ne diffĂšre pas de celui de AndrĂ© Michel. Le sĂ©nateur du Nord invite le peuple Ă  la dĂ©sobĂ©issance civile, si le prĂ©sident Martelly ne laisse pas le pouvoir dans les prochains jours. L’opposition qui a manifestĂ© dans plusieurs autres villes du pays n’entend pas s’arrĂȘter lĂ , elle projette de manifester Ă  nouveau le 29 octobre prochain. Cette fois devant l’ambassade amĂ©ricaine, en vue d’obtenir le dĂ©part du prĂ©sident Martelly. Louis-Joseph Olivier [email protected]
Louis-Joseph Olivier

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