Le fondateur Jean-Jacques lui aussi parlait de système. Dans sa Proclamation # 13, donnée Quartier général du Cap, le 28 avril 1804, an 1er. Le Gouverneur général parlait aux habitants d’Haïti. Il spécifiait : « Que d’autres chefs, après moi, creusent leur tombeau et celui de leurs semblables, en tenant une conduite diamétralement opposée à la mienne, vous n’en accuserez que la loi inévitable du destin qui m’aura enlevé au bonheur et au salut de mes concitoyens ; mais puissent mes successeurs suivre la marche que je leur aurai tracée ! C’est le système le plus propre à consolider leur puissance : c’est le plus digne hommage qu’ils pourront rendre à ma mémoire. »
Des le début de sa Proclamation, Dessalines affirmait : « Oui, nous avons rendu, à ces vrais cannibales, guerre pour guerre, crimes pour crimes, outrages pour outrages. Oui, j’ai sauvé mon pays, j’ai vengé l’Amérique. »
[Allusion sans doute, à l’extermination des Indiens d’Haïti et des autochtones d’Amérique par les colons européens. Dessalines avait redonné au territoire son nom Taïno original, Haïti, en lieu et place d’Hispaniola des Espagnols et Saint-Domingue des Français. D’ailleurs une des appellations premières de son embryon d’armée avait été l’Armée des Incas ou des fils du Soleil. “Suivez mon regard” sur la symbiose, le métissage, le syncrétisme religieux, le combat commun des Taïno et des Noirs venus d’Afrique. Ainsi, Dessalines ne comptait pas exclure l’apport Taïno dans notre structure de vie nationale.]
Il poursuivait dans sa Proclamation : « Mon orgueil et ma gloire sont dans l’aveu que j’en fais à la face des mortels et des dieux. »
[Du mystique pure, il se sent grand en vertu de son accomplissement même face aux dieux. Dessalines d’ailleurs n’est-il pas considéré comme un dieu dans le panthéon vodou. Ogou Dessalines s’habillait en rouge dans la plupart de ses combats, sous l’égide d’Ogou Féray. La tradition haïtienne a réclamé Dessalines comme un nouveau Ogou intégré dans le panthéon Pétro.]
Toujours poursuivant la Proclamation de Dessalines du 28 avril 1804, il insistait : « … Noirs et jaunes, que la duplicité … a cherché si longtemps à diviser ; vous qui ne faites aujourd’hui qu’un même tout, qu’une seule famille, n’en doutez pas… Mêmes calamités ont pesé sur vos têtes proscrites, même ardeur à frapper vos ennemis vous a signalés, même sort vous est réservé, mêmes intérêts doivent donc vous rendre à jamais unis, indivisibles, inséparables. Maintenez cette précieuse concorde, cette heureuse harmonie parmi vous ; c’est le gage de votre bonheur, de votre salut, de vos succès ; c’est le secret d’être invincibles. »
Faut-il, pour resserrer ces nœuds, vous retracer le cours des atrocités commises contre notre espèce : le massacre de la population entière de cette île, médité dans le silence et le sang froid du cabinet ; l’exécution de cet affreux projet, à moi proposée sans pudeur, et déjà entamé par les Français avec ce front calme et serein accoutumé à de pareils forfaits… ? »
[Leclerc aurait proposé à Dessalines de participer à des projets d’extermination sordides.]
Jean Ledan Fils
25 ans de la rubrique A propos de l’histoire d’Haïti, saviez-vous que…