Devoir d’excellence

Le temps est à la médiocrité. Le bal des injures et des menaces  entre phtkistes est l’expression la plus plate de cette médiocrité. À la hauteur – donc à ras le sol – des fausses réponses que ces derniers apportent aux problèmes du pays. Mais la médiocrité ne prend pas que ces formes extrêmes. Plus élaborés, moins vulgaires, mais pas forcément plus efficaces :  les certitudes des « marchands d’il n’y a qu’à », détenteurs de toutes les réponses avant même que les questions ne soient posées ; le pragmatisme individualiste qui fait du collectif un impensable et élimine toute profondeur au profit de stratégies et de procédures de réussite immédiate ; le fatalisme aux faux airs de pragmatisme, idéologie au service du capitalisme actuel, qui présente un système social comme une vérité éternelle. Le terrain est ouvert à cette « médiocratie » que dénonce le philosophe Alain Deneault.

Ce contexte global s’accorde bien aux spécificités haïtiennes : une bourgeoisie faite en partie d’héritiers, la richesse facile par l’appropriation des biens de l’État, la négation de toute forme d’excellence ou d’idéal comme mesure d’une réussite individuelle inscrite dans une vision éthique du collectif.

Racket, rapine, expertise prétendue dans l’art de l’applicable, savoirs morcelés dans la précipitation vers des « spécialisations » fermées aux autres savoirs, remplacement de la question du sens et du pour quoi et pour qui par des « techniques » de « gouvernance », l’accumulation des biens et l’étalage de la richesse comme unique signe de distinction…

Face à cela, en plus des exigences éthiques qui peuvent établir leur crédibilité, celles et ceux qui se disent « progressistes », donc agents de la transformation de la société vers plus d’équité et de justice sociale, sont condamnés au devoir d’excellence dans leurs différents domaines d’activités et leur expression de leur vision du monde et de la réalité.

Il ne s’agit pas d’une accumulation-exhibition de savoirs et de savoir-faire mais d’une rigueur comportementale et du devoir d

e penser chaque geste, chaque action, chaque idée pour une connaissance-compétence sociale- s’exerçant dans son  rapport avec le principe du bien-être collectif et le sens de la justice sociale.

Face au délire et au spectacle  de la « médiocratie triomphante », il y a besoin de contre-exemples. Dire mieux. Faire mieux. Il faut abandonner tout crétinisme aux représentants des pouvoirs qui oppriment. La critique radicale et la volonté de transformer la société appellent plus que jamais au devoir d’excellence.

Antoine Lyonel Trouillot

https://lenouvelliste.com/article/212769/devoir-dexcellence

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