Interview avec l’ancien premier ministre Garry Conille

Haïti-Omd : Le défi du consensus

Interview avec l’ancien premier ministre Garry Conille
vendredi 29 novembre 2013

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De notre envoyée spéciale Francesca Théosmy

Bruxelles, 27 nov. 2013 [AlterPresse] — Alors que l’agenda post-2015 est en préparation, Haïti qui n’a atteint aucun des objectifs du millénaire pour le développement à date, suscite des inquiétudes sur sa capacité à adresser ses problèmes de manière consensuelle.

L’ancien premier ministre de Michel Martelly, le docteur Garry Conille est l’un de ceux qui expriment des inquiétudes par rapport aux opportunités qu’Haïti risque de rater.

Garry Conille qui a démissionné le 24 février 2012 dans un contexte de rébellion de son propre cabinet, a réagit sur la situation d’Haïti par rapport aux objectifs du millénaire pour le développement lors d’une interview accordée à un groupe de journalistes haïtiens à Bruxelles, en marge des Journées européennes de développement.

« Je dois avouer que je suis très inquiet que nous perdions tous les acquis pour lesquels nous nous sommes battu durant les dernières années. Je suis inquiet aussi parce que quand je regarde les problèmes de fond qui concernent l’extrême pauvreté, je ne vois aucune velléité de changement », déclare Conille, actuel conseiller spécial de la présidente du Liberia.

Jusqu’ici, Haïti n’a fait des avancées que sur 3 des 8 grands objectifs du millénaire pour le développement. Il s’agit de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, la réduction de la fréquence de propagation de VIH/Sida, et la scolarisation universelle pour toutes et tous.

Pour Garry Conille qui a connu la plus haute sphère de décision de l’Etat haïtien, le défi à relever est le consensus.

« Nous avons des problèmes de fond qui réclament une solution consensuelle. Je pense que c’est une très mauvaise approche de penser que les problèmes du pays peuvent se résoudre depuis le palais national ou la primature », explique-t-il, prenant l’exemple du Ghana et de l’Ethiopie.

L’actuelle administration de Martelly est souvent critiquée pour sa stratégie de s’attribuer toute avancée réalisée par le pays, en niant les bases établies par les gouvernements précédents. Garry Conille dit croire que ce type de « compétition » est néfaste.

De plus l’exécutif et le parlement doivent tous deux jouer leurs rôles.

Ces derniers mois les relations entre l’Exécutif et le parlement haïtiens se sont dégradés. Le président Martelly est accusé de vouloir rendre inopérante l’assemblée nationale en retardant les élections partielles nécessaires pour compléter le Senat.

Des manifestations ont lieu dans le pays à un rythme de plus en plus intense pour réclamer son départ.

Au sein de l’Union européenne, un de grands donateurs d’Haïti, un haut responsable qui n’a pas souhaité être cité se dit lui aussi inquiet de la situation. Le problème selon lui, est que les politiques haïtiens [de l’opposition et de l’exécutif] associent toute concession à une défaite, ce qui plombe le dialogue.

Pour sa part, Garry Conille estime que si Haïti a raté les opportunités de l’après-séisme c’est aussi en partie à cause des engagements non respectés par les donateurs.

« Evidement le tort est avant tout haïtien. Mais c’est aussi le tort des partenaires internationaux qui après le séisme ont fait des promesses qu’ils n’ont pas respectées et pris des engagements incohérents. Ils n’ont pas non plus permis au gouvernement haïtien de prendre la direction de la reconstruction. Selon moi, nous n’avons pas vraiment bénéficié des opportunités de l’après-séisme », explique-t-il.

Haïti a jusqu’à 2015 pour continuer à faire des avancées sur les objectifs du millénaire pour le développement, mais pas sans un engagement de la communauté haïtienne en général, insiste Conille. [kft apr 27/11/2013 22 :40]

http://www.alterpresse.org/spip.php?article15570#.UpkXOhxBkro