Jean Métellus est mort.

 

Jean Metellus

Le grand poète haïtien avait 77 ans. En décembre, il avait accordé un dernier entretien à Françoise Siri, pour un livre à paraître en mars. Le voici

Jean Métellus nous a quittés samedi 4 janvier 2014, à Paris, à l’âge de 77 ans. Ce grand poète et combattant de la cause haïtienne avait quitté son île en 59, sous le régime de Duvalier. Il était né en 1937 à Jacmel, dans une famille nombreuse. Son père dirigeait une boulangerie industrielle. À vingt ans, il devient professeur de mathématiques et de sciences naturelles. Arrive alors le régime de «Papa Doc», qui le pousse à l’exil.

Avec 75 dollars en poche, il part pour Paris, où il étudie la médecine et se spécialise en neurologie. Soignant les troubles du langage liés aux lésions du cerveau comme l’aphasie, il complète sa formation par un doctorat en linguistique à la Sorbonne nouvelle. Il exerce comme praticien hospitalier notamment à Saint-Joseph, la Pitié, la Salpêtrière, Créteil puis à Limeil-Brévannes, et devient rapidement un neurolinguiste de réputation internationale. Dans l’un de ses ouvrages, «Charles-Honoré Bonnefoy», il rend hommage à son «patron», Raymond Garcin, qui incarnait «la grande médecine sensuelle, tactile, visuelle, auditive et olfactive».

Avec son ami jeune médecin et écrivain Claude Mouchard, il fréquente le milieu littéraire de sa génération. Il écrit ses premiers poèmes vers l’âge de trente ans «dans une sorte de somnambulisme: je n’étais pas absolument conscient de ce que je faisais. Après, j’ai continué parce que je ne pouvais plus m’arrêter», disait-il souvent.

Sa voix posée et douce de médecin s’enflammait quand il évoquait Haïti, son île, qui la première a aboli l’esclavage. Dans ses poèmes, une parole simple et juste se lève avec le vent, comme dans les grands discours de Martin Luther King, d’Obama et les vers d’Aimé Césaire. Maurice Nadeau publie ses textes dans une revue et, une dizaine d’années plus tard, son premier recueil, qui le rendit aussitôt célèbre, «Au Pipirite chantant». Succèdent une trentaine d’ouvrages, des recueils, mais aussi des romans, des pièces de théâtre, des essais «tous cousus par la fibre poétique».

Pour ce médecin, «la poésie, c’est le nerf qui maintient en vie les forces de résistance de l’homme.» Il faut relire son œuvre, leçon de courage, d’humanité et d’espoir:

Nouvel Observateur.

http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20140106.OBS1462/jean-metellus-est-mort.html?xtor=RSS-15