Constat de caducité du Sénat
La société civile met en garde contre le chaos institutionnel
Le Nouvelliste | Publi le :15 octobre 2013
Valéry DAUDIER vdaudier@lenouvelliste.com Juno Jean Baptiste
Préoccupées par l’éventuelle caducité du Parlement et ses conséquences politiques incalculables, des organisations de la société civile, regroupées en un collectif, invitent le chef de l’Etat à respecter le mandat des sénateurs élus en 2009. Dans une déclaration commune, les signataires, appartenant à divers secteurs de la société, soutiennent qu’un prétendu constat de caducité du Sénat le deuxième lundi de janvier 2014 relèverait de l’arbitraire.
Partira, partira pas… Le débat fait rage depuis quelque temps sur la date de la fin du mandat du deuxième tiers du Sénat. Pour certains, les sénateurs devraient partir en janvier 2014 et, pour d’autres, le deuxième lundi de janvier 2015. « Dans notre souci de défendre non pas des individus, mais le Parlement, qui représente une institution essentielle et le principe de la légalité, nous demandons au président Martelly, en sa qualité de garant de la bonne marche des institutions, de faire le choix de respecter les prescrits de la Constitution et l’article 85 de la loi électorale de 2008, selon lesquels, le mandat de ces sénateurs entrés en fonction en 2009 arrive à terme à leur sixième année, c’est-à-dire le deuxième lundi de janvier 2015 », affirment dans une déclaration commune des institutions et des personnalités de la société civile et des groupes religieux.
Selon les 22 signataires, qui ont fait connaître leur position commune à la presse mardi, un prétendu constat de caducité du Sénat le deuxième lundi de janvier 2014 relèverait de l’arbitraire pur et simple. « Un départ forcé, prématuré et illégal des sénateurs avant que n’aient lieu les élections sénatoriales partielles constituerait une dissolution de facto du Parlement et une grave violation de la Constitution, écrivent-ils. Un tel acte ouvrirait la voie à l’instabilité politique, à des troubles sociaux et constituerait une menace pour les acquis démocratiques. Les pouvoirs législatif et exécutif seraient ainsi concentrés au niveau de la présidence. »
« Avec seulement 10 membres, le Sénat sera dysfonctionnel, a avancé le professeur Rosny Desroches de l’Initiative de la société civile. Le Parlement ne pourra pas voter des lois. Dans ce cas, le chef de l’Etat dirigerait par décret et imposerait ce qu’il veut. Nous ne voulons pas faire un procès d’intention mais nous devons être vigilants. S’il y a un danger à l’horizon, il faut l’éviter.
» Pour sa part, Me Gervais Charles, l’un des signataires, a qualifié d’antidémocratique et d’anticonstitutionnelle toute démarche visant la dissolution du Sénat en janvier 2014. Selon lui, il ne peut y avoir de démocratie sans la présence des trois pouvoirs de l’Etat. « L’exécutif ne doit pas profiter de ses propres erreurs », a-t-il dénoncé.
En vue d’éviter au pays une nouvelle crise politique et institutionnelle comme le souligne les 22 signataires de la présente déclaration. André Apaid de la Fondation Nouvelle Haïti veut lui aussi jouer sa partition. Pour lui, le dialogue est primordial. « Nous sommes prêts à discuter avec tous les acteurs, a indiqué l’ancien chef de file du Groupe 184. Il faut chasser l’angoisse qui plane sur le pays. Nous devons imposer aux dirigeants le respect de la loi.
» Le secteur religieux aussi préoccupé.
L’Eglise estime également qu’il y a des nuages à dissiper dans le ciel politique haïtien. Félicitant les deux branches du Parlement pour avoir voté avec promptitude la loi électorale, le représentant de l’Église épiscopale d’Haïti, le père Rigal Lucas, fait ressortir la nécessité pour le président de la République de convoquer la Chambre des députés à l’extraordinaire en vue de permettre au Parlement d’approuver la loi dans les mêmes termes. « Pour éviter au pays de sombrer dans le chaos en janvier 2014, il est impératif que l’on trouve un consensus politique entre les différents protagonistes », alerte le prêtre.
Le représentant de l’Eglise catholique, le père Atilus B. Desca, constate que la tension générée par la probabilité d’une crise à l’issue incertaine est montée d’un cran. « Nous invitons le président de la République à faire appel à la raison et à la logique et non au fanatisme afin de faire le meilleur choix, en respectant et garantissant le bon fonctionnement des institutions républicaines, a déclaré le délégué de Mgr Guire Poulard, archevêque de Port-au-Prince. A chaque nouvelle crise institutionnelle ou politique créée souvent inutilement par ceux-là mêmes qui tiennent les destinées de la nation, c’est toujours le pays qui en pâtit. »
Valéry DAUDIER vdaudier@lenouvelliste.com Juno Jean Baptiste