Il semble que l’élection de l’écrivain Dany Laferrière à l’Académie française, en décembre dernier, ne fasse pas le bonheur de tous. Sur les ondes de la radio haïtienne Magik 9, lors d’un bilan culturel de 2013, l’auteur Lyonel Trouillot a commenté la nouvelle immortalité de l’homme de lettres québécois d’origine haïtienne avec peu de délicatesse.
La controverse s’est ensuite transposée dans les pages du quotidien francophone haïtien Le Nouvelliste, où M. Trouillot et la journaliste Martine Fidèle se renvoient la balle par chronique interposée.
Invités à l’émission Les carnets d’Emmelie, le poète Claude C. Pierre, l’auteur Lyonel Trouillot et l’auteur Bonel Auguste, se sont prononcés sur l’élection, y allant de reproches et de condescendance, selon ce que rapporte la journaliste haïtienne Martine Fidèle, dans l’article intitulé « Petits meurtres entre gens de lettres » .
«Quand on voit à l’étranger un Haïtien dans une situation considérée comme prestigieuse, on applaudit, aurait mentionné M. Trouillot. Il y a cela, mais d’un autre côté, ce n’est pas un événement majeur dans l’histoire des lettres haïtiennes. D’ailleurs, être membre de l’Académie française n’est même pas un événement majeur dans l’histoire des lettres françaises.»
Il aurait poursuivi en ajoutant qu’il reprochait à M. Laferrière de ne pas avoir parlé au nom de la langue créole.
Toutefois, Lyonel Trouillot a pris soin de faire paraître dans Le Nouvelliste quelques précisions, en rédigeant deux articles successifs, où il a affirmé que certaines citations avaient été décontextualisées.
Il a précisé dans le premier article que « L’Académie française reste une institution nationale…française. Et elle n’est pas vue par tous en France comme une instance de légitimation. C’est positif qu’elle s’ouvre à des non-Français. Mais Dany Laferrière n’est pas devenu un grand écrivain…parce qu’il est à l’Académie française. »
Le livre collectif Bonjour voisine, auquel ont collaboré 51 auteurs haïtiens et québécois, dont Dany Laferrière et India Desjardins, et publié chez Mémoire d’encrier en octobre dernier, a aussi reçu son lot de critiques, lors de la table ronde sur les ondes de Magik 9. «Avec ces rencontres qui ont pu avoir lieu entre écrivains, avec cet aspect très démagogique, très tout le monde est beau, tout le monde est gentil, on a gommé un tas de choses, a-t-on soulevé. On n’a pas osé y aborder des questions qui préoccupent Haïti… »
«MESQUINERIE LITTÉRAIRE»
«Qui ça peut bien déranger, un événement lumineux comme ça? s’est questionné l’écrivain haïtien et éditeur chez Mémoire d’encrier Rodney Saint-Éloi, lors d’un entretien avec Le Journal. Ça n’a pas lieu d’être.»
Il a qualifié les événements de tyrannie littéraire et de mégalomanie. «C’est comme l’espace politique, a-t-il ajouté. C’est la guerre déclarée. On est sur une île, et c’est la dévoration. C’est la rivalité et la jalousie littéraire.»
M. Saint-Éloi était en Haïti avec Dany Laferrière le 12 décembre, lors de son élection. «Et j’ai vu un enthousiasme sans pareil, s’est-il souvenu. Il y avait plein de jeunes, dans une salle comble, debout pour acclamer Dany et accueillir la nouvelle.»
Cette élection et ce nouveau statut sont, selon M. Saint-Éloi, extraordinaires aux yeux de presque tous les Haïtiens, sauf Lyonel Trouillot.
«Lyonel Trouillot est toujours en position de polémique envers Dany, et ça ne vaut pas la peine d’embarquer là-dedans, a-t-il souligné. Pour les jeunes, c’était comme une finale de football! C’était l’euphorie générale.»
Rodney Saint-Éloi ajoute que les paroles de Lyonel Trouillot sont en fait celles d’un homme blessé. C’est la rancœur, c’est le ressentiment. Mais il reste cette figure de l’intellectuel haïtien, qui parle de tout, qui sait tout. Ce sont des gens qui sont en fait des politiciens. Lyonel Trouillot a été chef de cabinet et il est toujours en politique.»
Retrouvez cet article dans le Journal de Québec
Caraibes Haiti & ÈVE LÉVESQUE Journal de Québec
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