“Les hommes passent, les institutions restent…”

COH/ Crise

Alain Jean-Pierre : “Les hommes passent, les institutions restent. Je serai toujours au service du sport.”
Le Nouvelliste | Publi le :05 septembre 2013
 Propos recueillis par Légupeterson Alexandre /petoo76@aim.com
L’ex-secrétaire général du Comité olympique haïtien a entrepris des démarches auprès de la salle de rédaction de Ticket Sport pour apporter sa version des faits
L’ex-secrétaire général du Comité olympique haïtien Alain Jean-Pierre
alainjeanpierre

« J’ai lu avec attention votre article sur la crise qui traverse le COH et qui a conduit à ma démission et à celle de Monsieur Jean-Edouard Baker. Je tiens à apporter les clarifications suivantes pour qu’aucun amalgame ne soit établi entre ma démission et celle de Monsieur Jean-Edouard Baker pour la simple et bonne raison que celle de Monsieur Baker a été obtenu sous la contrainte avec menace de radiation (voir la lettre du Comité exécutif) et que la mienne a été volontaire malgré les protestations de la quasi-totalité des fédérations », a dit Alain Jean-Pierre. Interview Ticket Sport: Le 8 août dernier, au terme d’une rencontre avec les représentants des fédérations et des associations, tenue au local du COH. Jean-Edouard Baker avait demandé de vous radier du sein de cette entité, et ce, après avoir dénoncé avec des mots ronflants votre gestion. Alors, comment avez-vous compris sa position ? Alain Jean-Pierre : Je ne veux et ne peux porter le problème sur un plan personnel. Si vous faites bien vos recherches et vos enquêtes, vous devez vous rendre compte du problème. Le Comité olympique en lui-même n’a pas de problème. Depuis la création de la Commission sport et développement, les problèmes ont commencé et les dérives se sont accentuées. Reprenez le dossier présenté par le Comite exécutif lors de la réunion du 31 août dernier et étudiez-le. Ticket Sport : Voulez-vous préciser pour nous comment tout avait commencé ? AJP : Depuis 2009, lorsque j’ai remarqué certaines irrégularités au niveau de la Commission sport et développement, j’en ai parlé à maintes réunions du comité exécutif. Malheureusement, le suivi n’a pas été fait. Voulant prendre mes distances avec les travers de cette commission, je n’ai jamais participé ni à des réunions sur les jeux, ni aux jeux depuis 2009. TS : Alors,  avez-vous tenté dans un premier temps de laver les linges sales en famille ? Si oui, pourquoi avez-vous pris la décision d’envoyer une lettre dénonçant les malversations de Jean Edouard-Baker aux dirigeants des associations et des fédérations affiliées au COH ? AJP : Malheureusement, ce dossier a été déplacé sur un plan politique et non sportif, d’où certaines réactions de ma part. Je suis un homme d’équipe et respectueux de l’amitié. Je suis pour que certains problèmes se règlent à l’interne et ceci, même dans mes affaires. Je ne veux pas non plus passer pour le bouc émissaire, ni le dindon de la farce. Ma fidélité envers mes parents et mes amis est infinie. TS : Il est bruit que vous auriez révoqué « une petite amie » de Baker et que c’est ce qui aurait déclenché toutes ces palabres. Votre réaction ? AJP : Je n’ai révoqué l’amie de personne. Cependant, j’ai insisté durant deux ans auprès du comité exécutif qu’une enquête soit menée au niveau de la commission, puisque c’était la caverne d’Alibba pour certains. Désordre administratif, gabegie, vols, etc… Lors de la lecture des faits par Madame Amazan au cours de l’assemblée, une partie des faits a été révélée. TS : Qu’est-ce qui est vrai dans tout ce que Baker vous a reproché ? Et qu’en est-il de l’affaire de 12 mois de prison ? AJP : Détournement de fonds. Tout l’argent est sur les comptes du COH, le trésorier l’a confirmé. Savez -vous que pour notre participation aux Jeux Olympiques de Londres, j’ai fait don au COH de près de U$ 21,000.00 d’équipements? Savez-vous que très souvent, quand partent les membres du COH ou les délégations, on me demande toujours de faire les frais? Savez-vous que notre agence de voyage ne fait pas de crédit au COH, mais à Alain Jean-Pierre ou à la Fédération d’athlétisme. Douze (12) mois de prison, c’est un dossier qui est devant les tribunaux. Je me garde d’en parler pour l’instant. TS : Il paraît qu’au sein du COH, le problème n’était autre que vous et M. Baker. Alors, selon votre avis, les autres membres sont de petits saints ? AJP : Je suis toujours président de la Fédération haïtienne d’athlétisme, président de la Confédération Centre Américaine et Caribéenne d’Athlétisme. Lors du dernier congrès mondial d’Athlétisme, j’ai été décoré comme meilleur dirigeant de l’année pour la zone Amérique. En tant que trésorier de la NACAC, je gère un budget de 4,5 millions de dollars pour les compétitions régionales, tous les rapports sont approuvés et il ne manque un centime aux comptes. TS : Certains observateurs pensent qu’il serait plus sage que les autres membres prennent la porte de sortie. Quelle est votre position ? AJP : Pourquoi les autres membres devraient partir, au contraire, je pense qu’ils doivent mener la barque à bon port. Je suis pour la bonne marche de l’institution. TS : Vous étiez invité ce mercredi 4 septembre à répondre aux questions du substitut du gouvernement, Yanick Odney. Alors, vous y êtes ? AJP : Je dois préciser que l’on m’a demandé de venir témoigner sur les allégations que j’ai faites. Mais ce dossier n’implique pas les fonds de l’Etat (pour l’instant), donc je crois qu’il serait plus sage de laisser le comité exécutif poursuivre les recherches. TS : Pourquoi avez-vous choisi de démissionner lors de l’Assemblée générale tenue le 31 août dernier, alors qu’en revanche Baker a été forcé de remettre sa démission ? AJP : Au cours de cette assemblée, malgré la lecture et les preuves détaillées et irréfutables avancées par le comité, Monsieur Baker a voulu s’accrocher désespérément à son poste. La réunion a duré plus de 7 heures. Face à ce spectacle affligeant et pitoyable, j’ai moi-même mis en jeu mon poste en présentant ma démission et en demandant qu’une commission d’enquête soit ouverte sur ma gestion. Ce , malgré les protestations de la quasi totalité des fédérations (référence au procès verbal de la réunion). Parce qu’il faut savoir mettre son honneur à l’épreuve et sortir grandi d’une crise. Dans ma famille nous ne sommes pas des adeptes du “pito m lèd men m la”. Dans un pays où la précarité oblige souvent à ne pas se tenir à hauteur d’homme et où aussi on perd de plus en plus tout sens de la dignité, je ne suis pas étonné qu’un tel geste ait du mal à être compris. Ainsi, ma lettre de démission a été envoyée avant celle de M. Baker. J’ai choisi de démissionner pour permettre au comité exécutif et à la commission de travailler en toute sérénité et sans partialité. TS : La lettre de démission de Baker et la vôtre ont été envoyées au Comité olympique international, CIO. Quelle conséquence cela pourrait avoir en ce qui vous concerne, vous et Baker, dans le milieu sportif international ? AJP : Ce n’est pas la première fois qu’un membre de CNO démissionne. Pourquoi en Haïti, les gens ont-ils toujours peur de démissionner? C’est pour cela qu’ils se font très souvent chasser ou se font montrer la porte de sortie. TS : Les rumeurs les plus folles circulent autour de la possibilité pour que Jean-Edouard Baker devienne ministre des Sports. Comment le voyez-vous dans ce nouveau poste ? AJP : S’il est nommé Ministre, grand bien lui fasse ! Mais qu’il soit promu empereur, roi ou pape, dans ma famille nous ne cultivons pas non plus la peur des « chefs », mais le respect pour ceux et celles qui le méritent.je lui souhaite bonne chance.  Ceci ne m’impressionne nullement. Ticket Sport : Votre mot de la fin serait quoi ? Alain Jean-Pierre  : Je souhaite que l’institution sorte plus forte après ce passage de force. Peut-être, fallait-il ce scandale pour faire ressortir les errements au sein du COH. Les hommes passent, les institutions restent. Je serai toujours au service du sport.
Propos recueillis par Légupeterson Alexandre /petoo76@aim.com
Source : Le Nouvellsite