Violences et manifestations anti-gouvernementales
Des actes de violence et des manifestations anti-gouvernementales ont été enregistrés mercredi matin dans divers quartiers de la capitale et au siège du Parquet du Tribunal civil de Port-au-Prince, à la Cité de l’Exposition, au lendemain de l’arrestation controversée de l’avocat et militant politique André Michel.
L’avocat avait été arrêté mardi soir à Martissant (banlieue sud de la capitale), après que son véhicule ait été perquisitionné par la police en présence d’un juge de paix. Auparavant, l’avocat avait reçu de fortes pressions du commissaire du gouvernement, Me Francisco René, pour qu’il accepte la perquisition en absence d’un juge de paix. Il s’y était résolument opposé, exprimant la crainte que des objets compromettants ne soient introduits dans le véhicule par des policiers qu’il dit être à la solde du pouvoir politique qu’il combat farouchement.
Conduit mercredi matin au Parquet où des milliers de citoyens étaient venus le soutenir, l’avocat a été entendu par un substitut du commissaire du gouvernement qui a reconnu qu’il n’y avait aucune charge contre lui. De nombreux avocats qui étaient venus le soutenir ont cependant vigoureusement réagi quand le commissaire en chef, Francisco René, a voulu tout de même procéder à l’arrestation de l’avocat en invoquant un mandat d’amener qu’avait décerné contre lui le juge d’instruction Lamarre Bélizaire. Forts de l’appui d’un certain nombre de manifestants qui avaient pu investir l’enceinte du Parquet, les avocats sont alors partis avec leur confrère en direction du bureau du bâtonnier de l’ordre des avocats se trouvant dans le même bâtiment. Arrivés par la suite sur les lieux, des parlementaires, dont le président de la Chambre basse, également avocat, ont emmené Me Michel au Palais législatif où il a trouvé refuge pendant quelques heures avant de partir pour une destination inconnue.
Après un huis-clos entre les parlementaires et le bâtonnier Carlos Hercule, ce dernier a fait savoir à la presse que Me Michel a été libéré et que les avocats cesseraient de plaider dans la juridiction tant que le commissaire du gouvernement Francisco René sera à son poste.
Aux abords et à l’intérieur du Parquet, les manifestants ont scandé des slogans hostiles au chef de l’Etat et au gouvernement, les appelant à la démission. Ils ont dénoncé « leur implication dans la drogue et toutes sortes d’affaires louches » ainsi que « leur projet de ravir aux haïtiens les principaux acquis démocratiques » remportés de haute lutte.
Des étudiants de l’Université d’Etat, notamment ceux des Facultés d’Ethnologie, des Sciences humaines et de l’INAGHEI, se sont mêlés de la partie. Aux abords de la Faculté d’Ethnologie des pierres ont été lancées, des barricades enflammées érigées, des pierres et toutes sortes d’objets disséminés sur la chaussée afin d’empêcher la circulation automobile. La police est intervenue en lançant des gaz lacrymogènes qui ont sérieusement affecté étudiants et journalistes, ainsi que des patients, adultes et nourrissons, de l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti tout proche.
Des manifestations anti-gouvernementales ont été également enregistrées en province, notamment au Cap-Haïtien et aux Cayes.
L’arrestation de Me André Michel, jugée illégale en raison de l’heure (inconstitutionnelle) à laquelle elle a été effectuée et de ses motifs politiques sous-jacents, a provoqué une réprobation de très vaste ampleur dans la société civile et la classe politique à un moment où, déjà, dans ces milieux, on soupçonne le chef de l’Etat de ne pas vouloir organiser des élections démocratiques, de vouloir dissoudre le parlement et de rétablir la dictature en dirigeant par décret. De ce fait, des dirigeants et militants politiques de différents horizons, des professionnels de divers secteurs ont afflué vers le Parquet ce mecredi pour empêcher que Me André Michel soit injustement écroué.
Dirigeant de l’organisation politique « Gwoup 77 », Me André Michel et son collègue Newton Louis St-Juste, sont à l’origine de l’action en justice « pour corruption » contre l’épouse et le fils du chef de l’Etat, Sophia et Olivier Martelly. Le juge Jean Serge Joseph, qui avait la charge de ce dossier, est décédé dans des circonstances jusqu’ici non élucidées.
Kiskeya FM., http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article9836