L’urgence d’agir

L’urgence d’agir
Le Nouvelliste | Publi le :02 septembre 2013
 Jean Pharès Jérôme pjerome@lenouvelliste.com
On dit souvent tant vaut l’école, tant vaut la nation. Dans le cas d’Haïti, c’est vrai. Notre pays est à l’image de son système éducatif. A tous les niveaux, le système est malade. Dommage que l’université ne fasse pas exception. Pourtant, l’éducation fait partie des cinq priorités du gouvernement. La lettre d’un groupe de professeurs à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) qui menacent d’entrer en grève à partir du 1er octobre prochain pour exiger de meilleures conditions de travail en témoigne.Appelée à former des cadres pour le renouvellement des élites, l’université est pourtant très mal lotie. La précarité dans laquelle évoluent professeurs et étudiants saute aux yeux. Trois ans après le séisme, l’UEH ne sort pas toujours la tête de l’eau. Son projet de campus n’est toujours pas concrétisé. Les 96 millions de dollars nécessaires à sa construction n’arrivent toujours pas. Entre-temps, la plupart des entités de l’UEH vont passer une nouvelle année dans des structures préfabriquées. Dans des conditions propices à tout, sauf à l’enseignement.Constatant que rien n’est fait pour améliorer leurs conditions de travail, certains professeurs veulent briser le silence. Ils annoncent un mot d’ordre de grève illimité à partir d’octobre prochain pour exiger un meilleur traitement. Ce cri d’alarme mérite l’attention de tout le pays, car il vient de ceux qui sont chargés de penser notre avenir. Comment demander aux professeurs, jeunes et adultes, de donner le meilleur d’eux-mêmes quand ils sont inquiets de leur avenir ? Comment demander à des jeunes avec un master ou un doctorat de se consacrer à l’enseignement quand leur rétribution ne leur permet pas de répondre à leurs dépenses quotidiennes ?
L’annonce de grève des professeurs ne devrait pas passer comme un fait divers dans l’opinion publique. Elle doit servir de leitmotiv pour lancer ou relancer les débats sur la réforme de l’université. Dans le cas contraire, l’université haïtienne restera ce qu’elle est. Seuls les ”résignés” y feront carrière. Avec un master ou un doctorat, les plus intelligents continueront de vendre leur journée aux ONG. Et l’enseignement restera leur seconde activité. Comment demander à l’université de jouer son rôle dans de telles conditions ?

Il est temps que nos dirigeants sachent que le pays ne pourra pas sortir du bourbier s’il ne dispose pas de ressources humaines pouvant planifier son développement. Continuer d’ignorer l’université, c’est refuser d’investir dans la formation des ressources humaines nécessaires au développement du pays. Le choix d’aujourd’hui déterminera notre situation dans 10, 30, 50, 100 ans. Si vous ne me croyez pas, demandez à nos voisins dominicains.

Jean Pharès Jérôme pjerome@lenouvelliste.com
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