QUELLE REPONSE DE LA SOCIETE HAITIENNE A L’ARRET DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Kiskeya

Marvel Dandin, Editorialiste

L’heure du réveil !

L’arrêt 168-13 dominicain relève beaucoup plus des droits humains que de l’anti-haïtianisme traditionnel dominicain. C’est pourquoi diverses instances internationales s’en préoccupent. Il ne s’agit certes pas, de leur part, d’un penchant quelconque en faveur des descendants d’haïtiens. Encore moins en faveur des haïtiens. Le problème est simple : la cour constitutionnelle dominicaine, en plus d’avoir violé les propres lois dominicaines, a piétiné le droit international. Elle met donc l’Etat voisin face à l’ordre international.

Ce faisant, la RD risque sa réputation et son tourisme florissant. De sérieux problèmes internes sont ipso facto créés, vu que la mesure frappe des personnes nées en RD à partir de 1929, sous l’égide d’une constitution reconnaissant le droit du sol. Outre l’impact essentiellement humain, cela implique de sérieux problèmes d’ordre économique et social.

En reconnaissant le caractère humanitaire du dossier de l’apatridie proclamée de milliers d’êtres humains, devrait-on, en Haïti, se croiser les bras et attendre que les instances internationales règlent la question ? Bien sûr que non. Sur un simple plan pratique, on est le pays vers lequel les apatrides créés par la sentence, se tourneront. Leur origine haïtienne n’est pas sans importance. Haïti est donc le premier pays où ils pourraient tenter de redevenir des citoyens, s’ils n’y sont pas plutôt déportés. Ceci nous impose un devoir de solidarité.

De ce fait, on a lieu de s’inquiéter quand on entend certains poser le problème comme s’il relevait uniquement du gouvernement haïtien. D’ailleurs, on sait, qu’en dépit de leur position au sein de la CARICOM, les dirigeants haïtiens demeurent très limités dans les actions qu’ils pourraient ou devraient entreprendre concernant le dossier, vu leur assujettissement aux magnats dominicains dans des affaires très mal élucidées. Vous n’êtes pas sans savoir les raisons pour lesquelles les firmes de construction dominicaines ont bénéficié de tous les contrats juteux.

Par rapport au dossier dominicain, les partis politiques et la société civile haïtienne ne devraient donc pas s’en remettre entièrement au gouvernement. Il importe de lui exiger des déclarations et des actes. Mais, les haïtiens d’ici et d’ailleurs devraient profiter de cette situation pour déclencher un vaste mouvement de réveil de la nation haïtienne et de réaffirmation de l’identité nationale. Cela implique un effort extraordinaire de relèvement national incluant la remise en valeur et l’affirmation de notre culture. Cela passe nécessairement par la fierté d’être haïtien et la décision de le clamer haut et fort.

Ce ne devrait pas être, cependant, une démarche folklorique. Le débat qui serait impulsé dans le cadre de ce réveil national, devrait aboutir à des propositions concrètes de politiques publiques propres à stabiliser la population haïtienne. Faire en sorte qu’un sérieux coup soit porté au phénomène migratoire. Car, l’on ne saurait parler de fierté quand nos frères, nos sœurs fuient cette ‘’fierté’’ par milliers pour se rendre chez les voisins à la recherche de moyens de survie ou d’un niveau minimum d’éducation supérieure.

Que proposent les partis politiques, à ce sujet ? Seraient-ils en mesure de faire mieux que Martelly en la matière s’ils accèdent au pouvoir ? N’y a-t-il pas, de nos dirigeants politiques, certains qui sont également sous contrôle dominicain ? Lors des récentes campagnes électorales et avant, Santo Domingo s’est présenté comme La Mecque des candidats et responsables politiques haïtiens. Tous s’y rendaient pour chercher quoi ?

Le réveil national dont nous parlons devrait s’orienter vers une revalorisation de nos traditions culinaires et la relance de la production de certains produits pour lesquels nous dépendons inutilement, aujourd’hui, des dominicains. Il s’agit de les identifier en tenant compte des réseaux de grands et petits commerçants impliqués dans leur trafic et voir comment planifier leur boycott. Certains haïtiens y pensent déjà mais il faudrait structurer un véritable mouvement. Car, il n’y a pas de fatalité en ce qui concerne la consommation de produits dominicains. On peut bien s’en passer avec un tant soit peu de prise de conscience de ce scandaleux paradoxe d’un pays pour lequel nous représentons un sérieux débouché et qui se permet de nous mystifier et de nous humilier à longueur de journée. Il faut que cela cesse !

Il va sans dire que, concernant les politiques publiques dont nous avons parlé, de nouvelles dispositions fiscales et douanières doivent être adoptées pour endiguer le flot des produits dominicains. Dans ce cadre, le contrôle de la frontière s’avère d’une absolue nécessité. La mobilisation s’impose en vue d’y parvenir !

Voilà donc ce à quoi nous interpelle la situation des haïtiens et des descendants d’haïtiens en République dominicaine. Après des sit-in insignifiants et une manifestation que notre propre police a empêché de se rendre devant le siège de l’ambassade dominicaine ; après des déclarations tonitruantes ici et là, nous devons en venir, au niveau de la société, et à défaut de l’Etat, à l’élaboration d’une stratégie de lutte sur la question dominicaine qui tienne compte de tous les paramètres de la problématique migratoire et des relations globales entre Haïti et la République dominicaine.

Haïtiens de tous les pays, réveillez-vous !

Kiskeya FM Haiti.http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article9930