Une diaspora pleine de ressources … et de dangers

Une diaspora pleine de ressources … et de dangers

 

Le débat Haïti – Diaspora flambe maintenant dans le pays alors qu’il nous aurait fallu travailler tous ensemble pour nous sortir de l’ornière. Pour le moment, malheureusement, la Cour de Cassation a semblé ignorer les garde-fous constitutionels destinés à nous protéger de mécènes messianiques en mal de gloire.

 

Haitienne vivant à l’étranger depuis plus de trente ans, je me suis sentie trahie et bafouée à l’annonce de cette nouvelle. La création par l’Exécutif de la Commission de vérification de la nationalité des candidats m’a cependant apporté une lueur d’espoir. « Ayiti pa mouri ! »

 

N’en déplaise à ceux qui se déclarent représentants des Haitiens vivant à l’étranger, le soi-disant affrontement Haiti-Diaspora n’est qu’un faux débat manufacturé à des fins politiques par une minorité dont l’arrogance n’a d’égale que l’opportunisme. Bien que ne contribuant pas à la majeure partie des transferts de fonds de la diaspora vers Haiti, ce petit groupe exploite cyniquement le labeur et les sacrifices de ceux, gagne-petits pour la plus part, qui se démènent pour soutenir leur proches laissés au pays.

 

Différemment des grandes mobilisations populaires du passé, il n’existe actuellement en diaspora aucun mouvement de masse réclamant à cor et à cris la  « double nationalité », alors que le pays se débat dans une une crise internationale affectant sa survie. Ces demandes proviennent plutôt de certains qui, principalement aux Etats-Unis, se considèrent comme étant  « les meilleurs et les plus doués (the best and the brightest) » et s’organisent en groupes de pression politique, à couverture humanitaire, bien entendu. Dans des galas exclusifs hors de la portée des petites bourses, ces messieurs et dames s’arrangent pour cotoyer les décideurs étrangers, tout en se décernant mutuellement prix et récompenses, pour s’en aller finalement à la conquête du pouvoir en Haiti, face à « l’ingratitude » de « l’Etat haitien envers sa diaspora. » (1)

 

Ainsi oubliée leur dette de reconnaissance envers le pays pour la formation académique le plus souvent gratuite qu’ils en ont reçue entre autres bienfaits, ils affichent un souverain mépris des capacités haïtiennes du terroir, art et folklore mis à part. Sans râter d’occasions de solliciter l’intervention souvent intempestive de leurs contacts étrangers dans les affaires internes du pays, ils ne semblent non plus nullement se soucier de concepts de dignité et de souveraineté nationales.

 

Intégrés à la bourgeoisie noire américaine, ils en ont acquis certaines qualités tout autant que des problèmes historiques. Déja en 1957, le sociologue américain Frazier disait:  « L’illusion du pouvoir paraît aussi procurer aux Noirs de la classe moyenne une échappatoire au monde de la réalité qui perce à travers le monde factice de la bourgeoisie noire. Les positions de pouvoir qu’ils occuppent dans le monde Noir leur permettent souvent d’agir de façon autoritaire envers les autres Noirs, particulièrement lorsqu’ils ont l’appui de la communauté blanche. Dans ces cas, l’illusion du pouvoir peut constituer une échappatoire à leurs frustrations. Cependant, c’est généralement lorsque les Noirs de la classe moyenne sont dans des situations leur permettant de participer dans la communauté blanche qu’ils cherchent dans l’illusion du pouvoir une échappatoire à leurs frustrations. » (2) Faut-il en dire plus!

 

Tout cela est loin des aspirations légitimes qu’ont nombre d’Haitiens expatriés de participer à la vie nationale par le biais du vote et de la reconnaissance de certains droits citoyens. Au pays, les priorités de l’heure obligent à porter cette question à l’arrière plan, sans toutefois en minimiser l’importance. Dans cet enchevêtrement d’intrigues internationales et vu la situation actuelle de faiblesse de l’Etat haïtien, des mesures de précaution s’imposent en la matière pour la défense de nos intérêts nationaux à l’aube de l’« Année Jean-Jacques Dessalines ».

 

Marie-Thérèse Labossière Thomas

14 octobre 2005

 

(1) Ingratitude, Amends and Amens, May 6, 2005. RepresentAction, Port-au-Prince, Haiti. http://www.representaction.net/ra-news-events.htm

 

(2) Traduit par l’auteur. Frazier, E. Franklin, Black Bourgeoisie: The Rise of a New Middle Class in the United States. p. 190. MacMillan Publishing Company, Collier Books, NY. 1975.

 

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