Nérilia Mondésir, 19 ans, un palmarès délirant

Portrait de femme Soulier d’or Concacaf féminin U-15 en 2014, soulier d’or du championnat de la Caraïbe 2015 des moins de 17 ans, meilleure joueuse caribéenne U-17 en 2015, soulier d’or caribéen U-20 en 2015, soulier d’or féminin Concacaf U-17 en 2016 et pas moins de trois titres de championne nationale avec l’Association sportive les Tigresses et ce n’est pas tout. Nérilia Mondésir, avec un tel palmarès à 19 ans, est l’une des meilleures footballeuses sur lesquelles la sélection nationale haïtienne a pu compter ces derniers temps. Joueuse au talent extraordinaire, elle est la première footballeuse haïtienne à intégrer un club de football professionnel européen en signant au Montpellier HSC et la première footballeuse haïtienne à participer à la Ligue des champions 2018 et à la Coupe du monde prévue août 2018. Portrait d’une Haïtienne, légende du ballon rond.
Publié le 2018-06-18 | Le Nouvelliste

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

National –

En août 2018, les joueuses de la sélection nationale haïtienne de football U-20 fouleront les pelouses de la Bretagne pour discuter la Coupe du monde de la FIFA de football féminin dans cette catégorie. C’est tout simplement phénoménal pour Haïti! Les Grenadières, supermotivées, ont arraché leur billet de qualification en battant le Canada (1-0) en match de classement de la CONCACAF de football féminin U-20 le 28 janvier 1018 au stade Ato Boldon (Trinidad-and-Tobago). Une première dans l’histoire du football féminin haïtien. Dans celle de la Caraïbe aussi. Fer de lance de ce grand exploit, Nérilia Mondésir, capitaine, est adulée par ses pairs.
« J’aime beaucoup le football, et je suis toujours fière de porter les couleurs de mon pays. Depuis le jour de mon entrée au ranch de Croix-des-Bouquets, je me disais qu’un jour je mènerais Haïti à la Coupe du monde. Depuis, je travaille, je me perfectionne chaque jour pour concrétiser ce rêve », confie Nérilia Mondésir, plus convaincue que jamais. La joueuse de 19 ans, quatre fois soulier d’or, est l’une de nos plus grandes fiertés. Vu son talent, l’internationale haïtienne peut rivaliser avec les meilleures du football. D’ailleurs, à l’instar de Wilde Donald Guerrier, de Melchie Daelle Dumonay, Nérilia Mondésir est classée parmi les onze meilleures joueuses de football de la CONCACAF dans sa catégorie en 2018.
1 m 72, 50 kg, pointure 6 ½, le sport est de toute évidence sa première vocation. « Mis à part le football et le judo, je ne vois pas ce que j’aime vraiment dans la vie », révèle-t-elle calmement, prenant un instant pour réfléchir, mais sans trouver grand-chose à ajouter.
Elle a à peine 6 ans quand elle commence à jouer au football avec les gamins de son quartier. Dans la rue d’abord, comme c’est souvent le cas en Haïti. Bien sûr, ses parents ne voient pas cela d’un très bon œil. « Mes parents m’interdisaient de jouer au football. Ils me disaient que le football est réservé aux garçons. Mon insistance aidant, ces derniers ont fini par céder ». Difficile de ne pas flancher devant tant de passion et de détermination.
Prenant les choses en main, son cousin Rodelin Mondésir l’oriente pourtant vers le judo qui, selon lui, offre plus d’opportunités. C’est donc ainsi que l’on retrouve la petite Nérilia dans un club martial. Très douée, elle s’adapte facilement et fait ses preuves sur le tatami. Détectée en 2011, elle compte parmi les judokas admises à l’École nationale des talents sportifs (ENST) dans le cadre de l’Opération 2018 mise en place par le ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique (MJSAC). La jeune ceinture verte gagne des titres au niveau local, notamment des médailles d’or en 2011 et en 2012, dans les catégories U-12 et U-13.

Cependant son amour pour le football n’a jamais bronché. Elle suit de près les prestations des filles qui évoluent dans le centre Goal de la Fédération haïtienne de football. Elle veut même se joindre à elles, sauf que les responsables à l’ENST ne sont pas de cet avis.
Le déclic vient un peu par hasard. « C’est le coach Wilner Lamarre qui m’a fait embrasser le football, explique Nérilia. Les gens peuvent penser que c’est parce que j’étais déçue de ne pas être choisie lors des compétitions internationales de judo que j’ai abdiqué, mais non. J’aime le judo. Sauf que je me rappelle un jour, j’ai vu le coach Lamarre, avec un ballon. J’ai été auprès de lui pour qu’il me le prêtât. Quand il me l’a lancé, on a rapidement commencé une partie avec deux autres enfants qui étaient là. Je ne savais pas qu’il était resté à me regarder jouer. Ce n’est que quand j’ai été lui remettre le ballon que je l’ai réalisé.
Il m’a dit :
‘‘ Pourquoi tu fais du judo à la place du football ?’’
‘’Parce que j’aime’’, lui ai-je répondu.
Alors, il m’a dit que je devais venir jouer au football. Il a passé un bon moment à m’expliquer tous les avantages que je pourrais en tirer, vu mon talent. Le lendemain, il m’a invitée à m’entraîner avec les filles», raconte, tout excitée, celle qui fait partie des 20 jeunes qui ont marqué l’année 2017, selon le palmarès établi par Ticket.
Le président de la Fédération haïtienne de football, le docteur Yves Jean-Bart, qui assiste à un match où elle évolue, est du même avis que le coach Lamarre. Il faut rapidement encadrer ce talent.
Les responsables à l’ENTS ne l’entendent pas de cette oreille. Le judo veut garder Nérilia dans ses rangs.
Les dirigeants de la Fédération de football et le président en personne font le pèlerinage jusque dans le Nord pour rencontrer les parents de la joueuse. Fort de l’appui du député de la zone, Hugues Célestin, qui leur explique lui-aussi que le football ouvre un plus grand avenir à leur fille que le judo, les parents cèdent.
« Le même jour, Nérilia Mondésir rentre à Port-au-Prince et est installée au centre Goal. La gamine est aussitôt retenue par le coach Burowsky pour le Championnat de la Caraïbe pendant un mois et, deux mois après, elle fait partie du groupe qui voyage à Montego Bay pour la Concacaf /Prémondial 2013 », raconte le docteur Jean-Bart.
Nérilia Mondésir la footballeuse est née
Son choix d’abandonner le judo pour épouser le football se révèle payant pour cette fille née le 17 janvier 1999 à Quartier-Morin. Les habiletés de la fille de Saintilmand Mondésir et de Clotilde Thélusma impressionnent. À quinze ans, Nérilia Mondésir intègre son premier club, les Tigresses. Lors de la Concacaf U-15 de football qu’elle dispute en 2014, l’équipe nationale est sacrée vice-championne derrière le Canada et l’adolescente remporte le soulier d’or de la compétition. Une prouesse qui lui insuffle encore plus d’énergie pour améliorer sa technique et peaufiner son art. Pour la droitière, qui l’a dit elle-même : « En football, on ne peut dormir sur ses lauriers. Il faut tous les jours s’entraîner et avancer. »
Dès 2015, celle qui est membre de l’AS Tigresses devient un maillon incontournable de la sélection nationale féminine senior. L’ambition de celle que l’on surnomme Nérigol – du fait de sa propension à marquer des buts dès que l’occasion se présente- ne cesse de croître à mesure que de belles actions et de beaux trophées rejoignent son palmarès. Elle remporte à trois reprises le championnat national avec les Tigresses, en 2014, 2015 et 2016. Elle est soulier d’or du championnat de la Caraïbe 2015 des moins de 17 ans, meilleure joueuse caribéenne U-17 en 2015, soulier d’or caribéen U-20 en 2015, soulier d’or féminin Concacaf U-17 en 2016. Mais encore, meilleure buteuse de la Coupe caribéenne U-20 en 2017, deuxième meilleure buteuse de la CONCACAF U-20 en 2018, membre de l’équipe type de la CONCACAF U-20 en 2018.

Nérilia s’est attirée la sympathie et l’admiration des mordus du ballon rond. Cela même à l’étranger. Si elle ne put faire le voyage pour honorer l’offre de stage que l’Olympique Lyonnais lui a faite en avril 2016, elle put néanmoins décrocher un contrat professionnel au Montpellier Hérault Sport Club qu’elle rejoint le 24 janvier 2017. En paraphant ce deal, Nérilia Mondésir devient ainsi la première footballeuse professionnelle haïtienne avec un contrat professionnel en Europe. Elle réussit là où d’autres étoiles haïtiennes du ballon rond avaient échoué.
Première et seule joueuse haïtienne ayant joué contre des grands clubs d’Europe comme Liverpool, Anderlecht, Valence, Manchester City, Atletico Madrid, elle a marqué contre la prestigieuse sélection féminine du FC Barcelone. Plus jeune buteuse du MHSC en D1 féminine en 2018 (contre Lille 2:0), le dossard 19 du MHSC a été championne du Challenge U-19 féminin français en 2017 avec son équipe. Elle a aussi participé à la Ligue des champions 2018.
Courage à toute épreuve, détermination, audace et passion, combinés à son talent, font que cette fille qui paraît toute timide, un brin inoffensive hors des stades, trace, balle au pied et technique à point, son chemin vers de nouveaux sommets chaque année. La grenadière est dangereuse et les gardiennes de but ont du mal à arrêter ses frappes.
Pour devenir la grande joueuse au niveau international comme elle le souhaite, aucun sacrifice ne lui paraît trop grand. Aucun fiancé, aucun petit copain à l’horizon, la jeune joueuse est concentrée sur sa carrière.
« Je m’entraîne beaucoup. Je travaille pour être parmi les meilleures, pour dépasser mes limites. Je suis heureuse d’être à Montpellier, un club où chacun peut trouver sa place, quelle que soit sa couleur », ajoute-t-elle, egrénant fidèlement le menu de ses journées tandis qu’elle est en France. « Je me lève à 8 heures pour me préparer, car en général nous avions des séances d’entraînement entre 10h et 12h30 dans la matinée, du lundi au samedi. Il arrive que l’on ait aussi des séances dans l’après-midi entre 15h et 17h. En général, à part les entraînements, et mes cours de français, je suis chez moi en train de lire ou d’écouter de la musique », confie-t-elle, ajoutant au passage qu’elle adore le compas et le rap. Si elle écoute bien quelques morceaux de l’album Émotions de Rutshelle Guillaume, Arly Larivière et Fantom arrivent en tête de liste de ses artistes préférés.
Si jamais vous avez un tête-à-tête avec cette légende, vous pourrez toujours lui parler de cinéma, des films de Jet Li et d’Angelina Jolie, particulièrement. Ce sont ses acteurs favoris. Comme tous les jeunes de son âge, offrez-lui du spaghetti, elle en raffole. Elle aime le bleu et explique pourquoi. « Au départ, j’aimais tout simplement cette couleur, mais, au fur et à mesure, j’ai fini par l’assimiler à Haïti, aux équipements que je porte quand je suis sur le terrain. J’aime tellement représenter ce pays, cela me motive et me donne la force d’aller de l’avant », explique-t-elle, convaincue qu’avec détermination et discipline on peut accomplir de grandes choses.
Si le football demeure sa grande passion, la jeune Nérilia, qui était en neuvième année fondamentale avant de quitter Haïti, pense à la comptabilité ou à l’informatique, quand le moment de se reconvertir viendra. Mais en attendant, elle joue au football tous les jours et à toutes les heures. La capitaine de la sélection nationale féminine inspire, guide, motive et suscite des vocations chez beaucoup de jeunes filles. Ses coéquipières ne tarissent pas d’éloges sur celle qui a pris Lionel Messi et Carli Loyd comme modèles. Imperturbable, elle ne se donne pas de limite et promet de faire flotter le bicolore haïtien partout.

Winnie Hugot Gabriel
Auteur

Source : http://www.lenouvelliste.com/article/187874/nerilia-mondesir-19-ans-un-palmares-delirant

 

 

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