Réflexions sur un mur écroulé.

Mur de berlin, Photo courtoisie L’oeil info

C’est à l’aéroport de Berlin que j’ai vu de près le mur de Berlin pour la première fois. On peut en acheter de petits morceaux. Avant même de quitter l’aéroport, j’étais entouré par les petites marques du triomphe de la liberté sur le communisme. On était libre d’acheter ou non des marteaux et des faucilles et autres gadgets communistes – sur des casquettes de base-ball et des pins un peu kitsch. Pour cinquante euros, on pouvait même acheter une veste de la Stasi, les gilets portés par les redoutés agents de la Sécurité de l’Etat. Tout était en vente.

Il n’y a probablement rien qui symbolise mieux cette transformation que le sort du mur de Berlin lui-même : construit dans le but d’empêcher l’entrée des forces du marché, il a été brisé et transformé en marchandise. Des miettes de béton sont peintes et vendues dans les centres commerciaux, les aéroports et dans les rues de Berlin. L’authenticité de chaque fragment est difficile à vérifier, mais l’ironie est évidente. Le mur qui a empêché le libre-échange de pénétrer dans le système communiste géographiquement verrouillé fait aujourd’hui l’objet de petites transactions commerciales innocentes impliquant des touristes issus du monde entier. Si quelqu’un avait voulu faire en sorte que ces fragments de murs ne soient plus jamais reconstitués en un mur pour séparer les gens, il n’y aurait pas eu de meilleur moyen que de les mettre entre les mains des voyageurs qui les porteraient alors aux quatre coins de la planète.

Personne n’est responsable de la répartition des morceaux du mur de Berlin. Sa dispersion dans le monde entier a été le résultat de millions d’interactions volontaires entre les individus qui n’ont pas été guidés par un quelconque plan directeur : un phénomène social connu aussi comme le marché.

Il y a une différence essentielle entre le marché et le système communiste qu’il a remplacé. Le libre marché n’est pas un modèle, une théorie, un schéma directeur d’ingénierie sociale. Il émerge quand les individus sont libres d’exprimer leurs préférences et d’interagir volontairement afin d’échanger des droits de propriété bien définis. L’ordre (du marché) se définit donc ici par son processus d’émergence : il n’est pas pré-déterminé à l’avance. Le communisme, en revanche, représente l’organisation délibérée de la société, fondée sur un objectif prédéterminé qui doit être imposé d’en haut. Lorsque nos projets de vie ne sont pas en conformité avec les plans du parti, c’est à nous de céder.

Le mur de Berlin a été jugé nécessaire par les dirigeants communistes non pas pour garder les envahisseurs dehors, mais pour garder leur propre peuple à l’intérieur, pour l’empêcher de choisir entre ces deux mondes. Comme l’a noté l’ambassadeur soviétique en Allemagne de l’Est quand il avait plaidé pour le Mur, « la présence à Berlin d’une frontière ouverte et essentiellement incontrôlée entre le monde socialiste et capitaliste pousse inconsciemment la population à faire une comparaison entre les deux parties de la ville, qui, malheureusement, ne se fait pas toujours en faveur du Berlin [Est] Démocratique ».

Alors que nous célébrons le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, nous devons nous souvenir des victimes qui étaient cachées derrière le béton, les champs de mines, des barbelés, et les mitrailleuses automatiques. Il est devenu banal chez les intellectuels occidentaux d’éviter les yeux de millions de cadavres empilés par le communisme. De même que l’Holocauste a été le résultat de l’idéologie nationale socialiste et pas simplement d’une déviation de Hitler ou de Goebbels, l’holocauste communiste – le plus important de l’histoire humaine – a été le résultat de l’idéologie communiste, de l’idée que la société et la vie de tous ses membres doivent être planifiées par le parti unique : ce n’était pas simplement une déformation produite par Lénine, Staline, Ceaucescu, Mao, ou Pol Pot.

L’URSS n’a pas eu de « procès de Nuremberg ». Beaucoup la voient encore comme une expérience utopique, une curiosité d’un passé qui ne reviendra pas, un idéal jamais réalisé, une mode qui n’est plus à la mode. Mais ce n’était pas seulement une expérience qui ne s’est pas « bien déroulée ». Elle a tué des millions de personnes. Elle a détruit des vies, écrasé des rêves, séparé des familles, brutalisé, torturé, et a créé des millions d’esclaves. Transformer le communisme en marchandise kitsch est ironique, mais l’ironie seule peut-elle arrêter une résurgence de la tyrannie? Ceux qui portent des t-shirts avec des images du Che ou le marteau et la faucille, ou qui portent le maillot rouge de Hugo Chavez « Socialisme du Ving-et-Unième Siècle » devraient se demander ce que le socialisme du vingtième siècle a fait. Ils peuvent penser qu’ils sont rebelles, mais ils devraient savoir que si leurs héros arrivaient au pouvoir, les jeunes rebelles seraient parmi les premiers qui peupleraient les prisons.

La meilleure révolte des jeunes, c’est de décider de vivre sa propre vie, sans suivre aveuglément ceux qui promettent de planifier notre vie à notre place. Quand nous décidons de gérer nos vies, et de lutter pour la liberté de le faire, nous respectons le meilleur esprit de la jeunesse, et nous serons en mesure d’abattre les idées d’oppression, avant qu’elles ne se matérialisent encore une fois.

Par Diogo Costa est éditeur du projet brésilien www.OrdemLivre.org.  (Extrait du journal en ligne, Libre Afrique).,.,

http://www.libreafrique.org/Costa_Berlin_111109

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