Les mêmes causes produiront les mêmes effets !

Yves LAFORTUNE, MAP, Av

Au lendemain du 7 Février 2017, le Président Jovenel MOISE avait rencontré toutes les forces vives du pays en vue de choisir un Premier Ministre qui devrait avoir pour tâche de conduire la politique de la nation à travers des Politiques Publiques bien conçues et élaborées à cet effet. Il (le Président) a rencontré les Présidents du Sénat et celui de la chambre des députés, certaines figures de proue de la classe politique et certains représentants de la société civile. À l’issu de ces nombreuses rencontres a été choisi un premier Ministre en la personne de Jacques Guy LAFONTANT, médecin de profession.

En effet, ce choix du Président de la République considéré par plus d’un comme un « déchoix » a suscité dès le départ de pertinentes interrogations. Pourtant, au gré de tractations, de grands moyens et de partage de Ministères et de Directions Générales (Repartimientos) , le Parlement a ratifié Le PM Docteur en Médecine et le pays l’a subi jusqu’aux évènements de Juillet 2018.

Sans nous perdre en conjecture, ce choix, avouons-le, s’est révélé un véritable un fiasco sur toute la ligne. Depuis la déclaration de politique générale lue comme un enfant au Sénat et à la Chambre des Députés, les esprits avisés devraient et de fait ont dénoté cette légèreté telle la chronique d’une catastrophe annoncée. A l’évidence, depuis son arrivée à la Primature jusqu’à sa chute, en passant par l’épisode (vidéo – appel Félix) et son discours de reniement après l’affaire « Shit hole Country », il a été l’objet de vives critiques tellement il s’est couvert de ridicules. Il est taxé de part et d’autre de Premier Ministre soumis, amorphe, muet et cancre qui n’a aucune présence sur l’échiquier politique comme chef de Gouvernement.

Au fait, que pouvait-on attendre d’un Premier Ministre médecin qui a passé la quasi-totalité de ses années en blouse, totalement éloigné de la vie politique, qui ignore tout de l’administration publique, de la gestion des affaires publiques (que ce soit au sens d’une technê ou art de gouverner la cité ou au sens d’un epistêmê ou discours (science des affaires de l’État). Que peut-on attendre d’un avocat qui s’est spécialisé Notaire qui a passé sa vie autour de ses Clercs et ses clients. Il faudrait un jour dans le cadre d’une affaire quelconque faire l’expérience d’un Notaire et on comprendra le capharnaüm qui caractérise le système foncier en Haïti et ses complices au premier degré.

Hélas ! Nous sommes condamnés, semble-t-il, à revoir le film du 6 au 7 juillet dernier. Pourquoi une pareille affirmation ? Parce que le Président Jovenel MOISE semble aller dans le même sens qu’avant en recourant à la même méthode pour la désignation d’un nouveau Premier Ministre tel qu’il l’a fait précédemment. IL s’était s’évertué à rencontrer les différentes entités de la vie nationale : les présidents du sénat et celui de la chambre des députés, les politiciens, les entrepreneurs, les représentants de la société civile, les Vodouisants, le Grand Orient etc… pour enfin faire un mal choix par rapport au contexte actuel caractérisé par un déficit de dix-neuf (19) milliard de gourdes, un état d’insalubrité totale du pays où la moindre petite pluie nous inonde tous depuis l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti passant par l’aéroport Toussaint Louverture, au petit commerce du bas de la ville ou de Pétion Ville jusque dans nos cœurs.

L’idée d’une consultation ne serait pas mauvaise en soi si toutes les entités consultées se mettraient d’accord sur un ensemble de principes qui devrait guider le choix et le profil d’un nouveau chef de Gouvernement, mais chacune d’entre elles comme d’habitude tire la ficelle dans le sens de ses intérêts en vue de tirer sa part du gâteau au lieu d’accorder la priorité aux valeurs suprêmes de la nation et aux intérêts collectifs, le bien commun, le salut public. Le président Jovenel MOISE est à un carrefour où il doit changer de façon de faire s’il ne veut pas que le pays revive un drame similaire, voire pire que celui du 6 au 7 juillet dernier. À ce point, une question s’impose : si nous nous inscrivons en faux contre le mode de désignation du PM par le chef de l’État, quel devrait être le profil de quelqu’un qui est appelé à diriger un Gouvernement ou tenir les rênes du pouvoir dans l’état actuel des choses ?

Il a été admis chez les grecs l’idée selon laquelle la construction de la cité repose sur trois socles fondamentaux : l’éthique, l’économie et la politique. Même si les citoyens pouvaient discourir sur cette dernière (la politique), la pratique (praitkos, pratikhê) n’était pas dévolue à n’importe quel citoyen ordinaire. On se le rappelle, lors de débats sur l’agora pour qu’un citoyen puisse faire valoir son point de vue, il devrait convaincre l’assemblée en développant un argumentaire plus ou moins tenable. Donc la communication politique jouait un rôle important pour le citoyen désireux de prendre la parole au sein de l’assemblée (boulê) et d’accéder à une quelconque fonction politique. C’est dans ce contexte que naissait tout un ensemble de réflexions (vue de l’esprit : Du grec theôria) portant sur la politique. Platon reste et demeure le maître à penser en cette matière.

Dans son ouvrage titré la République qui peut être considéré comme étant un projet politique, Platon souligne à l’encre forte les conditions requises d’un politique, d’un vrai politique. À l’en croire, le politique doit suivre tout un cheminement académique avant de pouvoir s’initier à la conduite des affaires publiques. La politique est fondamentalement l’affaire de spécialiste. Celui qui est appelé à diriger la cité (les Gardiens) doit passer d’abord par la propédeutique pour s’élever ensuite à la spéculation philosophique dont le but dernier est la pratique (Morale, Politique).

Tout ceci pour dire quoi ? Nous devons nous entendre sur le profil d’un nouveau PM appelé à conduire la politique de la Nation mais avant tout nous devons nous évertuer à reconstruire l’Etat. Certes, nous ne sommes plus à l’antiquité grecque, les choses ont bel et bien évolué, cependant le parallélisme est de mise tenant compte des exigences du moment. Péremptoirement, celui qui est appelé à devenir le nouveau chef de Gouvernement doit, vu la conjoncture, pouvoir s’élever à la dimension d’homme d’État.

Depuis la République, Platon avait déjà donné la note juste. En dépit du développement de nouvelles théories liées à la modernité, au post modernisme, les leçons n’ont pas changé même si on applique de nouvelle façon de faire. J’aime parler de l’exemple du Rwanda, de Madagascar ou de la révolution tranquille elle-même qui a utilisé les ressources intellectuelles haïtiennes. Depuis le temps ou n’importe qui devient n’importe quoi n’importe comment n’importe où et n’importe quand, nous avons perdu le sens de l’Etat et l’Etat a perdu son sens…son essence. Nous vivons un temps de chien où des Ministres s’entrechoquent publiquement, des Parlementaires empuantissent la chose publique, des Hommes d’affaires s’entredéchirent sur les réseaux sociaux et qui nous laisse croire que le pays va bientôt mourir.

Il nous faut nous réapproprier du sens de l’Etat pour sortir de l’ornière. Il ne suffit pas de consulter les différents secteurs comme il est devenu un rituel. Il faut un état des lieux et sur la base du résultat dresser un tableau de bord. On a malheureusement l’impression que l’intelligence est morte en Haïti parce qu’on est fatigué d’entendre les mêmes voix qui ne peuvent pas innover. Pourtant, il y a tellement de nouveaux esprits porteurs d’idées nouvelles. Ils sont sempiternellement déchirés par le silence et ils n’en parlent que difficilement.

Je ne cesserai de le répéter en l’instar du Professeur Lesly François St Roc MANIGAT qu’il nous faut impérativement basculer le pays dans la modernité. Faute de savoir, de savoir-faire, de savoir-faire faire, de faire savoir et de savoir être, il ne nous reste rien dans les mains sinon ce pays anémié. Dans ma quête de lumière en permanence, cet article se propose une fois de plus d’interpeller les élites du pays dans la perspective de converger leur lumière au bénéfice de la population. Cette interpellation va vers plusieurs générations et toutes les spécialités qui devront mettre la main à la pâte pour reconstruire une autre Haïti que nous serons fiers de léguer à nos enfants : J’interpelle Les Présidents Aristide, Martelly, Privert ceux-là qui ont dirigé le pays au plus haut niveau par-delà leur cuisant échec. J’interpelle ceux-là qui se sont spécialisés dans le domaine de conseiller du Prince et qui se retrouvent aujourd’hui encore dans toutes les officines, colonnes, vallées et camps de tous les pouvoirs. La génération des octogénaires qui en 1986 avait cinquante ans en dépit du fait qu’elle n’ait pas su nous laisser une meilleure Haïti. J’interpelle les septuagénaires qui sans mémoires et actifs veulent encore donner la leçon en occupant tous les espaces de débats à travers les ondes. J’interpelle les journalistes qui dans leur manière de faire soutiennent faute de mieux le statu quo et ferment les horizons nouveaux.

C’est avec grand espoir et la force de regarder demain comme le dirait Aimé CEAIRE que J’interpelle Roberson Alphonse, Frantz DUVAL, Patrick MOUSSIGNAC, Lemoine BONNEAU, Garry Pierre Paul CHARLES, Michel JOSEPH, Antoine Herto Samy JANVIER, Michèle ORIOL, Maryse PENETTE, Patrice DUMONT, Thomas LALIME, Daniel DORSAINVIL, Daniel ROUZIER, Gerald CHERY, Kesner PHAREL, Eddy LABOSSIERE, Frit JEAN, Nesmy MANIGAT, Etzer EMILE, Odonel PIERRE LOUIS, Edelin DORISMOND, Bildadson CADELUS, Ralph JEAN BAPTISTE, Charles Fredo GRAND PIERRE, Watson DENIS, Wein Weibert ARTHUS, Hervé St PREUX, Darline Alexis, Jacques Yvon PIERRE, Pascal CHERISE, Rock ANDRÉ, Fritz Dorvilier, Stanley GASTON, Stephan MICHEL, Valery MOISE, Wilaime ALEXIS, Robenson JEAN MARIE, Cephora ANGLADE, Vladimir LARSEN, Naed JASMIN, Shanon BEAUBLANC, Jetry DUMONT, Charlot JACQUELIN, Roudy Stanley PENN, Jolette JOSEPH, Marc Alain BOURSIQUOT, Herrick DESSOURCES, Euvrard ST AMAND, Claude JOSEPH, Dorine JEAN PAUL, Hilaire VILMONT, Patricia CAMILIEN, Jacques JEAN VERNET, Lionel TROUILLOT, Emmelie PROPHETE, Rose Nesmy ST LOUIS, Magalie COMEAU DENIS, Junot FELIX, Nora BRUTUS, Guy REGIS Jr, Reynold GUERRIER et tous ceux-là qui sont concernés par cette merveilleuse Haïti dont je n’aurai pu citer les noms.

Pour construire Haïti, il ne faut pas une pensée au rabais … Il faut une vision claire, des hommes et femmes d’ETAT qui sauront mettre en œuvres des politiques publiques d’envergure qui sortiront progressivement mais une fois pour toutes la population dans l’indigence.

Yves LAFORTUNE, MAP, Av Designer Organisationnel Auteur

https://lenouvelliste.com/public/index.php/article/191359/les-memes-causes-produiront-les-memes-effets

No comments yet.

Leave a Reply